La chancelière allemande Angela Merkel et le premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn au siège de l’Union africaine, à Addis-Abeba, le 11 octobre 2016. | ZACHARIAS ABUBEKER/AFP

Pour clore une tournée africaine placée sous le signe de la sécurité et de la crise migratoire, Angela Merkel aurait pu s’attarder sur la politique d’accueil des réfugiés de l’Ethiopie, qui en concentre quelque 780 000 sur son territoire. Ou sur la promesse des autorités d’en employer environ 30 000 grâce au développement de parcs industriels.

Mais, lors de sa visite à Addis-Abeba, mardi 11 octobre, après un passage au Mali et au Niger, la chancelière allemande en a profité pour s’exprimer sur la nécessité d’ouvrir l’espace politique de ce géant de 94 millions d’habitants en proie à un mouvement de contestation sans précédent depuis vingt-cinq ans.

L’Ethiopie faisait figure de bonne élève de l’Afrique avec une croissance officielle d’environ 10 % sur la dernière décennie, et une stabilité louable dans une Corne de l’Afrique en proie aux conflits. Mais, depuis novembre 2015, des manifestations anti-gouvernementales, qui ont d’abord eu lieu dans la région Oromia (centre et ouest) puis se sont étendues à la région Amhara (nord), ont été sévèrement réprimées par les forces de sécurité et ont fait plusieurs centaines de morts.

C’est dans ce contexte instable que la chancelière allemande s’est rendue en Ethiopie, qui a décrété dimanche l’état d’urgence pour une durée de six mois, après une semaine de violences dans la région Oromia qui a fait suite à une bousculade meurtrière, dimanche 2 octobre, dans la ville de Bishoftu, à 37 km de la capitale. Des opposants avaient alors appelé à « cinq jours de colère ». Résultat : plusieurs usines, fermes horticoles et complexes touristiques locaux et étrangers ont été attaqués, entamant largement la confiance des investisseurs dans le « modèle éthiopien ».

Médiation dans la région Oromia

Mardi, lors d’une conférence de presse conjointe avec le premier ministre Hailemariam Desalegn, la chancelière a rappelé l’importance d’autoriser les manifestations, et d’avoir une réponse proportionnée de la police. « J’ai proposé un dialogue entre nos ministres de l’intérieur sur la façon dont la police doit être entraînée pour éviter de nombreuses pertes humaines lors de telles émeutes », a-t-elle déclaré. Angela Merkel a ajouté que Berlin « travaillait déjà en région Oromia afin de désamorcer la situation en offrant une médiation » entre différents groupes.

Pour la chancelière, l’opposition doit faire partie intégrante du processus politique. Elle a d’ailleurs décliné l’invitation d’Addis-Abeba de s’adresser au Parlement dont la totalité des sièges sont occupés par la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), depuis les élections générales de mai 2015. Le même jour, les Etats-Unis ont également mis en garde le gouvernement sur l’instauration de l’état d’urgence. « Nous encourageons le gouvernement à clarifier la manière dont il compte mettre en œuvre l’état d’urgence, en particulier concernant les mesures qui permettent des arrestations sans mandat, des restrictions à la liberté d’expression, des interdictions de rassemblements publics et des mesures de couvre-feu », a déclaré le porte-parole du département d’Etat, John Kirby.

Lundi, lors de la rentrée parlementaire, le président Mulatu Teshome a montré un signe d’ouverture : il a annoncé vouloir réformer le système électoral « pour que les voix de ceux qui ne sont pas représentés puissent aussi être entendues au Parlement ». De son côté, le premier ministre éthiopien a reconnu, mardi, que le processus de démocratisation était « encore balbutiant » et promis d’ouvrir davantage l’espace politique. Une promesse récurrente des autorités éthiopiennes qui n’a jusqu’à présent pas permis d’apaiser la situation.

Avant de quitter Addis-Abeba, Angela Merkel a inauguré le nouveau bâtiment du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, un projet de 27 millions d’euros financé par la GIZ, l’Agence allemande de coopération internationale.