Selon Axema, les ventes de tracteurs, moissonneuses-batteuses ou autres sarcleuses devraient reculer de près de 11 % au deuxième semestre 2016. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Le marché français du machinisme agricole est tombé dans l’ornière. Une chute liée aux mauvaises récoltes de céréales engrangées cette année par les agriculteurs. Selon les chiffres publiés mercredi 12 octobre par Axema (Union des industriels de l’agroéquipement), les ventes de tracteurs, moissonneuses-batteuses ou autres sarcleuses devraient reculer de près de 11 % au deuxième semestre 2016. Et les perspectives pour 2017 sont pour l’instant assombries.

Ainsi, Patrick Pérard, président d’Axema, explique :

« La situation était plutôt favorable jusqu’en juin 2016. Les ventes ont progressé de 7 % au premier semestre. La végétation était très belle dans les champs, puis progressivement, alors que la date des moissons approchait, on a évoqué une baisse de rendement de 10 %, puis de 15 % et finalement de près de 30 % après la récolte. »

De mauvais rendements couplés à des prix bas ont contraint nombre de céréaliers à revoir leur projet de renouvellement de matériel.

Une conjonction de facteurs défavorable

Le plongeon est particulièrement spectaculaire pour les ventes de tracteurs. Sachant qu’elles représentent près d’un tiers du marché du machinisme agricole. « Le nombre d’immatriculations a baissé de 32 % en juillet et de 16 % en août », souligne Elodie Dessart, responsable du pôle économie de l’Axema. Une rupture nette de tendance quand sur les huit premiers mois, la commercialisation de ces engins si prisés des agriculteurs français progressait encore de 3 % en volume. En septembre, toutefois, la situation s’est améliorée avec une reprise de 16 %.

Le choc est d’autant plus rude pour les fabricants de matériel que l’élevage bovin et laitier est également en crise. Une conjonction de facteurs plus que défavorable. Il n’y a bien que les équipements viti-vinicole et ceux destinés aux espaces verts qui tirent leur épingle du jeu. Dans ce contexte, Axema table sur une baisse du marché global en France de 5 % cette année. En 2015, le recul avait été limité à 2 % pour un montant total de 5,5 milliards d’euros.

Le « coup de pouce » de la loi Macron s’émousse

A l’inverse de la situation actuelle, 2015 avait démarré sous des auspices peu favorables. La crise de l’élevage bovin et laitier, mais aussi de l’élevage porçin sans oublier le prix bas des pommes de terre plombaient la conjoncture. Les céréaliers étaient aussi dans l’expectative. Mais les plantureuses récoltes de blé avaient inversé la tendance. Aidée, il est vrai, par le « coup de pouce » de la loi Macron. Le texte prévoit un amortissement à hauteur de 140 % de la valeur d’achat d’un matériel censé accroître la productivité. L’effet d’aubaine de ce « suramortissement », qui a profité en priorité aux céréaliers, avait fait rebondir le marché. La mesure est toujours d’actualité mais son effet s’émousse.

« Cette conjoncture préoccupante aura des conséquences dans les entreprises », estime M. Pérard. Attirées par la France, premier marché européen pour le machinisme agricole, les grandes marques de tracteurs ont choisi de s’y enraciner industriellement. Il y a un an, le japonais Kubota inaugurait son usine à Bierne dans le Nord. Il suivait le sillon déjà creusé par ses concurrents. A l’instar, de l’américain AGCO qui a ouvert en 2013 une usine à Beauvais où il assemble les tracteurs de la célèbre marque Massey Ferguson. L’allemand Claas est, lui, implanté au Mans. Quant au leader mondial du machinisme John Deere, il fabrique des moteurs à Saran (Loiret).

Ces multinationales sont habituées aux aléas du marché du machinisme agricole. Cette année, elles lorgnent avec gourmandise la Russie qui a engrangé des récoltes de céréales record. Mais elles subissent globalement la faiblesse des cours mondiaux du blé et du maïs depuis deux ans et ont déjà mené de lourdes opérations de restructuration pour s’adapter à la moindre dépense des fermiers américains ou européens. En 2015, le leader mondial John Deere a licencié près de 1500 salariés dans le monde.