Le président tuc, Recep Tayyip Erdogan, au 9e congrès de l’Organisation islamiste eurasienne, à Istanbul, le 11 octobre. | KAYHAN OZER/AFP

Ulcérée d’être tenue à l’écart de l’offensive en préparation pour reprendre Mossoul, la « capitale » irakienne de l’organisation Etat islamique (EI), la Turquie a multiplié, ces derniers jours, les propos au vitriol contre le gouvernement de Bagdad.

Intervenant, mardi 11 octobre, au 9e congrès de l’Organisation islamiste eurasienne à Istanbul, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est sorti de ses gonds, enjoignant au premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, qui avait critiqué la présence militaire turque dans son pays, de « rester à sa place ». « Tu n’es pas mon interlocuteur, tu n’es pas à mon niveau. Peu nous importe que tu cries depuis l’Irak, nous continuerons à faire ce que nous pensons devoir faire, a vociféré M. Erdogan dans son allocution retransmise par les chaînes de télévision. L’armée de la République turque n’a pas de leçon à recevoir de vous. »

La présence de 2 000 soldats turcs dans le nord de l’Irak, dont plusieurs centaines sur la base de Bachika, au nord-est de Mossoul, où, depuis 2015, des combattants sunnites locaux (milice Hashd al-Watani) et des peshmergas sont entraînés, est une source de tension permanente entre les deux pays. Bagdad réclame le retrait de Bachika des troupes turques, qualifiées de « forces d’occupation ». Ankara rappelle que ses soldats ont été appelés à la rescousse en 2014 par le gouvernement irakien et que des accords existent, depuis les années 1990, sur le stationnement de son armée.

« Risque de guerre régionale »

Le ton est monté d’un cran début octobre, après le vote du Parlement turc autorisant l’armée à intervenir en Irak et en Syrie. Convocations réciproques des ambassadeurs, menaces de Bagdad de porter la question de la présence militaire turque devant le Conseil de sécurité de l’ONU, déclarations acrimonieuses se sont multipliées. « L’aventure turque risque de tourner à la guerre régionale », a prévenu le premier ministre irakien, le chiite Haïder Al-Abadi, après le vote.

Quelques jours plus tard, le président Erdogan livrait sa vision de ce que devrait être la composition ethnique de la ville de Mossoul, une fois libérée de l’EI. « Seuls les Arabes sunnites, les Turkmènes et les Kurdes sunnites pourront y rester », a-t-il expliqué, le 3 octobre, dans une interview à Rotana TV, une chaîne de télévision basée à Dubaï. Le premier ministre turc, Binali Yildirim, mardi, mettait en garde contre « les tentatives de modifier la structure démographique de Mossoul », ce qui conduirait à « allumer le feu d’une grande guerre civile, d’une guerre sectaire ».

La rixe diplomatique entre Ankara et Bagdad mine les relations turco-américaines, déjà au plus bas. Conscients des risques de confrontation géopolitique, les Etats-Unis tiennent l’allié turc à distance, misant sur les forces armées irakiennes, les peshmergas kurdes et les milices chiites pour reprendre Mossoul. « Nous estimons que toutes les forces internationales en Irak doivent être sur place en accord et en coordination avec le gouvernement irakien, sous les auspices de la coalition », a mis en garde mardi le département d’Etat.

Irak : « Il y a un véritable risque à Mossoul de massacres intercommunautaires»
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