Docu-fiction sur Arte à 22 h 30

Notes on Blindness trailer - in cinemas & on demand from 1 July
Durée : 02:16

Malgré le disque noir qui obscurcissait peu à peu son champ de vision, confirmant le diagnostic irrémédiable des médecins après une énième opération, John Hull voulait conserver encore une lueur d’espoir. Aussi fine que celle qui lui permettait encore de deviner la silhouette de sa femme et de son dernier-né, Tom. Aussi, plutôt qu’aux cours de locomotion pour aveugles qu’on lui proposa, il préféra se consacrer à la préparation de ceux de théologie qu’il dispensait à l’université de Birmingham, constituant pour ce faire une petite équipe de lecteurs qui enregistraient les ouvrages dont il avait besoin pour enseigner. Puis, quand la « dernière perception de lumière s’est éteinte », il lui fallut se rendre à l’évidence, à 45 ans, il ne recouvrerait plus la vue.

D’une émouvante justesse

Loin de rester impuissant, John Hull va décider de se confronter à sa cécité afin « qu’elle n’ait pas raison de lui », dit-il dans le journal intime sonore qu’il commence en 1983. Protégeant ses proches de sa colère, de ses doutes et de son découragement, pendant trois ans, il livre à son magnétophone ses états d’âme mais aussi ses réflexions sur les bouleversements qu’engendre en lui ce monde de ténèbres. De ces Notes on Blindness, il tirera en 1991 Touching the Rock, traduit en France sous le titre Le Chemin vers la nuit, devenir aveugle et réapprendre à vivre (éd. Robert Laffont, 1995, épuisé), préfacé par le neurologue Oliver Sacks, qui salua un « chef-d’œuvre ». Partant de ces notes audio, mais aussi des entretiens qu’ils eurent avec John Hull et son épouse, Marilyn, ainsi que de leurs archives personnelles (enregistrements audio de leur fille, photo…), James Spinney et Peter Middleton ont construit un docu-fiction aussi captivant qu’éclairant sur le fond, envoûtant sur la forme poétique et onirique.

Eté 1981. John Hull, écrivain et professeur de théologie, devient aveugle. « C’était là que j’ai pris conscience, que je devais me confronter à ma cécité. Car si je ne la comprenais pas, elle aurait raison de moi ». | Agat Films & Cie

Porté par deux comédiens d’une émouvante justesse (Renton Skinner et Simone Kirby) – auxquels Lambert Wilson et Elsa Lepoivre prêtent leur voix, Notes on Blindness s’offre comme une immersion singulière dans le monde intérieur de John Hull. Un monde où peu à peu les souvenirs, les visages et les lieux s’estompent ; où les sourires sans retour, envoyés telles « des lettres mortes », deviennent un effort ; où son subconscient, qui « nie encore la réalité », peuple ses nuits de visions idylliques ou cauchemardesques. Un monde où sourd la douleur diffuse d’un cerveau qui se meurt, privé de stimulations optiques ; où son corps trébuche et se cogne aux murs de la cécité. Un monde encore qui l’enferme dans la solitude et la nostalgie dont il lui faudra se déprendre pour trouver la force d’en refaçonner un autre, par petites touches (sonores, à l’image de cette pluie qui soudain redessine son décor), s’il veut demeurer ouvert aux autres et à la vie.

« Notes on Blindness – une expérience de l’obscurité » | D.R.

Au fil de cette plongée sensible et sensitive, peuplée de silences et irisée de poésie, où s’expriment l’impuissance douloureuse de n’être plus capable de protéger les siens et aussi les doutes du théologien face à Dieu, se dessine le cheminement d’une pensée humaniste qui, dans les ténèbres de la cécité, s’éclaire par la grâce et le don. Celui d’un livre et désormais d’un film, qui en redouble la beauté.

Dans le prolongement de ce docu-fiction, Arte propose également sur son site Notes on Blindness - Une expérience de l’obscurité, qui permet, grâce à la réalité virtuelle, de s’immerger dans le monde sensoriel de John Hull.

Notes on Blindness, de James Spinney et Peter Middleton (GB-Fr., 2016, 85min).