Le PlayStation VR de Sony, le premier casque de réalité moyen de gamme du marché. | WALLY SANTANA / AP

Marchera, marchera pas ? Jeudi 13 octobre, avec le lancement du PlayStation VR (PS VR), le casque de réalité virtuelle pour console PlayStation 4 de Sony, l’industrie des nouvelles technologies y verra enfin un peu plus clair sur l’adoption de ces nouveaux périphériques par les consommateurs.

L’enjeu est de taille : de grands groupes comme Facebook et Google, des géants du jeu vidéo comme Ubisoft, et même des gouvernements comme le Royaume-Uni et la Chine, ont fait le pari de la réalité virtuelle, finançant à tour de bras des projets de casques et d’applications, en attendant son grand décollage – à l’horizon 2020, dans le meilleur des cas.

« On ne s’attend pas à un raz-de-marée. C’est le lancement d’une nouvelle plate-forme qui préfigure une nouvelle manière de jouer. Au départ, le nombre d’acquéreurs sera limité », prévient Richard Brunois, directeur de la communication de PlayStation France.

Car pour l’instant, la réalité virtuelle reste un épiphénomène, ce qui contraste avec l’ébullition médiatique qui entoure cette technologie depuis l’annonce, en 2012, du projet de casque Oculus Rift, racheté en 2014 par Facebook et arrivé discrètement en boutiques en septembre.

Toucher un public plus large

Même du côté des joueurs de jeux vidéo, pourtant réputés plus technophiles que le reste de la population, ces fameux dispositifs d’immersion à 360° peinent à décoller.

Sur Steam, la plate-forme de jeu sur ordinateur la plus utilisée au monde, seulement 0,33 % des joueurs avaient en septembre branché leur casque de réalité virtuelle, dont une majorité de HTC Vive, le concurrent d’Oculus soutenu par l’éditeur de Steam, Valve.

Le Gear VR de Samsung – un casque d’entrée de gamme pour smartphones – n’a pas dépassé le million d’unités vendues au niveau mondial depuis son lancement, fin 2015.

Avec le PlayStation VR, premier casque moyen de gamme, Sony a la lourde tâche de toucher un public plus large. Le constructeur japonais a des atouts, comme une importante base de plus de 40 millions de PlayStation 4 dans le monde, dont 2 millions en France fin 2015.

De gauche à droite, les consoles PlayStation 4 et PlayStation 4 Pro, et le casque PlayStation VR, présentés au Tokyo Game Show, à Chiba au Japon, le 15 septembre. | KIM KYUNG-HOON / REUTERS

En outre, si son périphérique est coûteux (500 euros accessoires compris), il reste plus accessible que l’Oculus Rift et le HTC Vive (900 euros environ, hors ordinateur). Enfin, Sony dispose de son poids commercial et médiatique, alors que 91 % des Français n’avaient jamais entendu parler de l’Oculus Rift, selon un sondage réalisé en avril pour le magazine LSA.

Tourisme virtuel

Plusieurs scénarios s’ouvrent pour la réalité virtuelle. Dans la piste la plus optimiste, ce marché (matériel et applications) pourrait peser plus de 150 milliards d’euros en 2025, contre 99 milliards pour la télévision, selon un rapport de Goldman Sachs Global Investment, cité en juin par LSA.

Mais dans l’hypothèse la plus pessimiste de la banque d’affaires, le marché ne dépasserait pas les 20 milliards d’euros, quatre fois moins que le jeu vidéo actuellement. « C’est un pari. Nous voulons croire que, dans le futur, nous ne consommerons plus des jeux sur un écran, mais des mondes en réalité virtuelle », explique Tommy François, chargé, au sein de la direction éditoriale du groupe français de jeu vidéo Ubisoft, de superviser la création d’univers de plus en plus réalistes, propices au tourisme virtuel.

Reste à convaincre le grand public des bienfaits de la réalité virtuelle. L’industrie ne cache pas être confrontée à d’importants obstacles, comme la difficulté de communiquer sur des casques socialement excluants, ou les problèmes récurrents de nausée soulevés par les premiers utilisateurs. Malgré un catalogue surtout constitué d’expériences ludiques courtes et prudentes, les avis de la presse sur le PS VR sont pour l’instant mitigés.

« La réalité virtuelle n’est pas tout à fait adaptée pour les utilisations grand public à grande échelle, et dans lesquelles les consommateurs peuvent s’investir longtemps au lieu de picorer », écartait dès juin Reginald Fils-Aimé, le président de Nintendo of America, dans un entretien à Bloomberg.

La technologie a besoin de temps

Le constructeur de la Wii se tient aujourd’hui ouvertement du côté des sceptiques, tout comme Blizzard, le géant du jeu d’ordinateur qui édite notamment le célèbre « World of Warcraft ». « Nous ne voyons pas quoi faire de cette technologie, sa vitesse de démocratisation n’est pas non plus certaine, et cela reste un produit très cher », explique son président et cofondateur, Mike Morhaim.

Malgré les Cassandre, Facebook a récemment présenté un projet de réseau social animé en réalité virtuelle, Sony planche désormais sur des jeux immersifs plus réalistes, tandis que Microsoft a annoncé, pour 2017, une console compatible VR.

La technologie a besoin de temps, veulent croire les évangélistes de la réalité virtuelle. « C’est un vrai pari sur l’avenir, l’aboutissement d’une vingtaine d’années de recherche, et un vrai fantasme de joueur, qui est conçu pour durer », assure Richard Brunois, qui ne veut pas entendre parler d’échec.