Magyd Cherfi, à Toulouse, le 29 août. | REMY GABALDA / AFP

C’est un retour au sources pour le festival Origines contrôlées. A Toulouse, la 13e édition organisé par le Tactikollectif, la galaxie de militants gravitant autour des anciens membres du groupe Zebda, Magyd Cherfi en tête, revient dans le quartier des Izards. Avec pour enjeu, au-delà d’un événement qui évoquera la mémoire de l’immigration, le défi de relancer activités associatives et débats publics dans un secteur populaire où ils ont disparu. « Ici, pour tous les habitants des Izards, le Tactikollectif ou Zebda sont du quartier, ils le représentent. On leur a fait un appel du pied pour qu’ils reviennent. Après l’affaire Merah et la série de réglements de comptes en 2014, on avait vraiment besoin d’organiser des événements. »

Au milieu des affiches et photos composant l’exposition sur l’ancien festival Ça bouge au Nord, Audrey Roger, responsable du secteur adulte de la bibliothèque municipale du quartier des Izards, au nord de la ville, se félicite également du montage sur la place voisine d’un chapiteau de 400 places. Pendant deux jours, les 14 et 15 octobre, s’y dérouleront débats, conférences, concerts, rencontres diverses. Tout ce qui fait l’ADN des actions du Tactikollectif, cette association née dans ce même quartier en 1983, composée des membres du futur groupe Zebda.

« On avait organisé de 1991 à 1994 le festival Ça bouge au Nord, puis Ça bouge encore en 2001 et 2002 autour de Zebda et Noir Désir. C’est vrai que depuis, on privilégiait les actions au centre-ville, confie Salah Amokrane, coordinateur de l’association. Ce qui a motivé notre retour au Izards, c’est bien entendu l’effroi après l’affaire Merah, qui avait grandi ici, mais surtout cette série de morts en 2014. On connaissait tous ces jeunes ou leurs familles. »

Occuper l’espace

Un appel du pied entendu, donc, et un festival, sous-titré « Identités et créolisations de la société française », qui se divise en deux week-end. La semaine passée, les locaux de la Bourse du travail, face à la basilique Saint-Sernin, ont vécu trois journées denses de débats et de concerts.

L’humoriste Yassine Bellatar, l’ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne Leïla Shahid, l’écrivain Dominique Vidal ont alterné débats et conférences avec les concerts du soir. « Ce que l’on souhaite, c’est envoyer des signaux sur ces questions d’identités en mouvement, gagner la bataille des idées en occupant l’espace physiquement et symboliquement », précise Tayeb Cherfi, organisateur du festival et frère de Magyd Cherfi, qui poursuit avec succès sa nouvelle carrière d’écrivain.

Occuper cet espace, ce sera donc chose faite ces 14 et 15 octobre, sur la place du marché. Le vendredi matin, 190 lycéens viendront assister à un spectacle de hip-hop autour de l’histoire des tirailleurs de la guerre de 1914-1918. Ce sera ensuite au tour de Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, de venir présenter ses actions dans les quartiers en difficultés. Le temps fort du samedi devrait se tenir à 18 heures, avec le lancement du Forum initiatives des quartiers et l’accueil de plusieurs collectifs venant de Montpellier, Lyon, Lille ou Paris. « Si l’on est moins politisés qu’avant, on veut toujours investir ce terrain de l’éducation populaire, et surtout répondre aux débats politiques affligeants que l’on subit actuellement », dit Salah Amokrane.

Aux Izards, le secteur associatif s’est presque éteint. Autour de la bibliothèque, seuls le centre social et le centre d’animation proposent des activités aux habitants qui vivent dans un chantier constant – les grandes barres d’immeubles ont été détruites. Un collectif de femmes s’est pourtant créé pour l’occasion. « C’est la preuve qu’il faut retravailler sur la durée et encourager la parole et les initiatives », conclut Tayeb Cherfi. Le festival se clôturera par le concert de Mouss et Hakim. Les deux frangins bondissants de Zebda, nés dans le quartier, inviteront sur scène les artistes locaux. Un vrai retour aux multiples sources.