Guy Wildenstein, le 22 septembre au Palais de justice de Paris. | ERIC FEFERBERG / AFP

Dans ce qu’il a qualifié de « fraude fiscale la plus longue et la plus sophistiquée de la Ve République », le parquet a requis, jeudi 13 octobre, quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et une colossale amende de 250 millions d’euros contre le marchand d’art Guy Wildenstein.

Contre trois autres prévenus, deux avocats et un notaire, la procureure Monica d’Onofrio a requis des peines comprises entre deux ans d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis, ainsi que des amendes allant de 37 500 euros à un million d’euros.

Contre un jeune héritier de la famille de marchands d’art, Alec Junior Wildenstein, le parquet national financier (PNF) n’a requis que six mois d’emprisonnement avec sursis, jugeant qu’il était « beaucoup moins impliqué » que son oncle Guy, chef de la famille.

Est venu ensuite le tour de Northern Trust Fiduciary Services et Royal Bank of Canada Trust Company, structures installées à Guernesey et aux Bahamas gérant les trusts des Wildenstein, ces « tirelires » dans lesquelles les Wildenstein enregistraient leurs biens, selon l’expression de Mme D’Onofrio.

Le PNF a requis contre chacune de ces sociétés l’amende « maximum » pour complicité de fraude fiscale, 187 500 euros. Les réquisitions étaient encore attendues contre une veuve de la famille, Liouba Stoupakova.

Dissimulation de plusieurs millions

Dans son réquisitoire, Monica d’Onofrio a décrit la « fraude fiscale la plus longue et la plus sophistiquée de la Ve République », nécessitant « le concours de plusieurs protagonistes disséminés de par le monde », avec « la mise en place de procédés que les citoyens de ce monde ne supportent plus ».

Il est reproché aux Wildenstein d’avoir dissimulé, lors de la disparition en 2001 puis 2008 du patriarche Daniel puis de son fils aîné Alec, la plus grande partie de leur fortune : plusieurs milliards d’euros en immeubles de prestige et tableaux de maître.

Le fisc français leur réclame, dans un contentieux parallèle au procès pénal, plus d’un demi-milliard d’euros. Les patriarches Daniel et Alec, très malades, ont fini leurs jours dans des immeubles de prestige à Paris, où ils avaient leur résidence fiscale, et où « les hôpitaux sont payés par nos impôts », a relevé Mme d’Onofrio.

« Cette fortune apatride, elle est déclarée où ? Nulle part. Vous pensez que c’est une niche fiscale mondiale ? C’est une honte », a-t-elle dit. A Guy Wildenstein, qui tout au long du procès s’est défendu d’avoir eu une connaissance approfondie des montages mis en place par son père et son frère, ou s’est retranché derrière sa culture anglo-saxonne pour justifier le recours à des « trusts », elle a lancé : « On n’hérite pas d’un délit ou d’un défaut de citoyenneté. »

La procureure a fustigé ces « impressionnistes de la finance qui se sentent américain ou suisse mais qui profitent de ce que ce pays [la France] a de plus beau sans lui donner l’impôt dû ».