Prières pour le roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, devant l’hôpital Siriraj à Bangkok, jeudi 13 novembre. | MUNIR UZ ZAMAN / AFP

La mort du roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, jeudi 13 octobre, après soixante-dix ans de règne, ouvre une période de transition incertaine. Le prince Maha Vajiralongkorn, 64 ans, dont la personnalité suscite des réticences au sein de l’appareil politique et militaire du pays, doit succéder à son père, mais il a demandé un délai avant de monter sur le trône.

  • L’immense tristesse d’un royaume

Les sujets du roi s’étaient massés à l’entrée de l’hôpital Siriraj, à Bangkok. Beaucoup se sont effondrés en larmes lorsqu’ils ont eu vent du communiqué annonçant que le souverain est « décédé apaisé » à 15 h 52 (heure locale). Les sites d’information sont passés en noir et blanc, et les principales chaînes du pays diffusent tour à tour l’élocution solennelle du premier ministre, Prayuth Chan-ocha, en costume noir, et des images des grands moments de la vie de Rama IX. La période de deuil durera un an. Les drapeaux seront en berne devant les écoles et autres institutions publiques pendant un mois.

  • Un dénouement craint mais attendu

Le roi a passé l’essentiel de la dernière décennie entre l’hôpital Siriraj de Bangkok et une résidence dans la station balnéaire de Hua Hin. Ses apparitions étaient de plus en plus rares. La disparition du souverain était un dénouement tant anticipé que craint. Car, depuis son accession au trône en 1946, Bhumibol Adulyadej a été le ciment d’un pays en proie à l’instabilité, l’armée y jouant le rôle de juge et d’arbitre au fil des coups d’Etat.

  • Une transition sensible

C’est déjà la perspective de sa disparition qui avait motivé, en 2006, la destitution par les généraux du premier ministre Thaksin Shinawatra, homme d’affaires populiste particulièrement apprécié dans les régions rurales du royaume – au point que les soldats craignaient qu’il ne devienne plus populaire que les institutions traditionnelles, armée et monarchie.

Les militaires se sont de nouveau saisis du pouvoir en mai 2014, et, en août 2015, ils ont fait adopter par référendum une nouvelle Constitution consolidant leurs pouvoirs dans l’arène politique. Il s’agit de s’assurer que le binôme armée-monarchie ne perde pas le contrôle dans une phase de transition incertaine. Le général Prayuth Chan-ocha s’était engagé à organiser des élections en 2017, mais ce calendrier est désormais incertain.

  • Un successeur désigné

Devant les caméras de télévision, le premier ministre Prayuth Chan-ocha a déclaré sur un ton solennel que « le roi a désigné son successeur le 28 décembre 1972 ». Ce jour-là, son fils Maha Vajiralongkorn avait prêté serment dans le temple du Bouddha d’émeraude, rattaché au palais royal, devenant ainsi l’héritier promis au trône. Mais le prince Vajiralongkorn a demandé un délai avant de monter sur le trône. « Il dit qu’il est aujourd’hui l’héritier. Mais il voudrait du temps pour porter le deuil en même temps que le peuple de Thaïlande », a déclaré le premier ministre.

  • La personnalité contestée du prince

Un article drastique contre le crime de lèse-majesté dans le code pénal interdit le débat sur la personnalité de ce fêtard de 64 ans, mais on sait que la perspective de le voir accéder au trône a suscité des réticences au sein de l’appareil politique et militaire du pays.

Ces dernières années, le prince a passé une bonne partie de son temps en Bavière, loin du protocole qu’imposait le statut de futur souverain de Thaïlande. Il avait fait de son caniche Fufu un major-général de l’armée de l’air. En 2014, le palais avait annoncé que son épouse, la princesse Srirasmi, avait « renoncé à son statut royal », une formulation signifiant le troisième divorce du prince. Il vit désormais avec une ancienne hôtesse de l’air de Thai Airways qu’il n’a pas épousée.

En juillet, le magazine allemand Bild a publié des photographies du prince sur le tarmac de l’aéroport de Munich dans un accoutrement peu digne de son rang : un jean porté particulièrement bas sur les hanches et un débardeur laissant apparaître l’essentiel de son ventre et ses tatouages, suscitant des questions sur la capacité du prince à se contraindre à l’étiquette royale.