Le destroyer américain « USS Zumwalt » à Baltimore (Maryland), le 13 octobre 2016. | MARK WILSON / AFP

Etrange coïncidence, son commandant se nomme James Kirk, comme celui du navire spatial Enterprise dans la série de science-fiction « Star Trek ». Bien réel, ce bateau de guerre est présenté comme le destroyer américain du futur, électronique, furtif, puissant comme aucun autre avant lui avec ses 14 000 tonnes, et capable, demain, de tirer des armes laser. Le tout premier DDG 1000, baptisé Zumwalt, en mémoire d’un célèbre amiral, est mis en service officiellement par la marine américaine samedi 15 octobre, lors d’une cérémonie à Baltimore.

Le Zumwalt va quitter les chantiers de Bath Iron, dans le Maine, pour rejoindre son port d’attache, San Diego, en Californie. La silhouette de l’énorme destroyer rompt avec les standards habituels, réduite à une pointe de flèche acérée surmontée d’une pyramide tout en angles, sans aucune aspérité. Le navire compte un équipage réduit de 140 militaires. Il emportera hélicoptères, drones et forces spéciales. Sa coque dissimule 80 silos à missiles, mais aussi des pièces d’artillerie de 155 mm pour frapper à 100 km dans les terres, soit « les canons navals les plus lourds installés depuis des décennies », a souligné Chris Cavas, expert du journal américain Defense News, qui a pu embarquer en juin.

Technologie de rupture

Le Zumwalt est un avatar de la « Guerre des étoiles » lancée par Ronald Reagan dans les années 1980, un de ces programmes militaires censés garantir aux Etats-Unis une avance technologique définitive sur la Russie. Dans sa catégorie, « c’est le plus imposant au monde après les croiseurs nucléaires russes de la classe Kirov », écrit le site français spécialisé Mer et Marine, et sa furtivité est étonnante. « Selon l’US Navy, la signature radar est 50 fois inférieure à celle des précédents destroyers. Un pêcheur de la région de Bath, qui a croisé la route du mastodonte lors de ses essais, a indiqué que, sur son radar, l’écho renvoyé par l’USS Zumwalt le faisait passer pour un minuscule bateau de pêche de 12 à 15 mètres. »

Le navire s’inscrit dans les technologies de rupture que veut mettre au point le Pentagone, ajoute Thibault Lamidel, animateur du blog Le Fauteuil de Colbert. Ses moteurs à induction, produisant la considérable énergie de 78 mégawatts, devraient permettre à terme de mettre au point les armes électromagnétiques – des canons sans poudre, lançant des munitions à 400 kilomètres de portée avec une vitesse plusieurs fois supersonique – ou les armes à énergie dirigée – micro-onde et laser. Le Zumwalt va de pair avec le nouveau porte-avions Gérald-R.-Ford, de classe CVN-78, aux catapultes électromagnétiques et aux lasers d’autoprotection.

Six milliards l’unité

Mais le Zumwalt, pour l’heure, est aussi un échec. La marine avait prévu d’en acquérir 32. Elle s’arrêtera à… trois. A plus de 6 milliards de dollars l’unité (5,5 milliards d’euros), sans compter les frais de développement, le programme dépassera les 20 milliards. En 2009, le ministère de la défense a arrêté les frais en décidant de privilégier les destroyers de classe Arleigh Burke, un peu plus légers, un peu moins furtifs, mais tout aussi performants et pour moins cher.

Pour toutes les armées modernes, la course à la technologie est un piège. « Pour payer de tels navires, la marine renonce à l’autre condition de la supériorité, le nombre et la présence, rappelle Thibault Lamidel. Aujourd’hui, l’US Navy compte 320 à 340 bateaux, et il lui en faudrait au moins 400 pour être une marine globale présente partout dans le monde comme le souhaitait Reagan. »

Pour ce spécialiste, le Zumwalt « reste un exercice technologique ». Incapable de renverser un rapport de forces dans la région Asie-Pacifique. Mais suffisamment impressionnant pour « faire de la diplomatie navale de prestige » en direction de la Chine.