Une équipe de football en Ligue 1, c’est 30 joueurs salariés. Un match de foot, c’est 11 joueurs sur le terrain, 7 remplaçants sur le banc de touche. Les 12 non-titulaires s’installent dans les tribunes et soutiennent leurs copains. Ils partagent tous l’appartenance à leur club et le désir de victoire. Titulaires ou pas, ils sont tous salariés.

Certains diront : « Trop facile, payé 300 000 euros par mois, excuse-moi ce n’est pas rien, d’être heureux de soutenir son équipe depuis les tribunes. » Peut-être ? Oui ! Et si la gestion des ressources humaines d’une équipe de football professionnelle devenait un modèle socio-économique pour demain ?

Intégrons à l’entreprise l’idée du joueur remplaçant payé sans jouer et transformons un chômeur en salarié remplaçant disponible. Nous pourrions peut-être, en nous inspirant du foot, résoudre le problème du chômage. Si donc l’ouvrier à la chaîne avait son remplaçant prêt à bondir pour maintenir une cadence. Si les remplaçants étaient là, prêts à suppléer aux défaillances des titulaires. Si un ouvrier fatigué sortait quelques secondes s’asseoir sur le banc de touche, se faisait remplacer aussitôt par un remplaçant, un chômeur disponible.

Besoin d’amour

Si ce titulaire, débarrassé de la peur de perdre son emploi, cédait sa place avec plaisir, certain que tous feront au mieux, ensemble, pour la santé de l’entreprise, pour la compétitivité internationale, pour l’efficacité tout bonnement. Le travail de cinq personnes serait fait à huit, à dix et dans une humeur fraternelle, dans l’amour même, les copains remplaçants soutiendraient les titulaires. La peur de perdre son emploi disparaîtrait. La phrase « si t’es pas content il y en a dix qui attendent dehors » serait hors jeu.

Le long des chaînes de montage on installerait une rangée de chaises d’où les remplaçants encourageraient leurs camarades, le contremaître managerait les changements d’ouvriers. La compétition s’installerait entre les chaînes de montage archiperformantes. Les meilleurs remplaçants s’arracheraient des fortunes. Les supporteurs, les amis, les familles des ouvriers viendraient voir sortir des voitures de chaînes de montage avec des chronos jamais atteints en France.

La rangée de chaises ne suffirait pas pour asseoir tout le monde, elle serait triplée, quadruplée, du dernier rang on se plaindrait de ne rien voir alors on monterait des gradins. Un jour on ferait même payer les places. Les foules se masseraient pour voir les navires mis à l’eau aux Chantiers de l’Atlantique. Les ouvriers vedettes signeraient des autographes aux enfants. Les droits télé de ce mouvement révolutionnaire se négocieraient à prix d’or par les télévisions. Les ouvriers gagneraient des millions. Certains diraient : « A 200 000 par mois, il est remplaçant chez Peugeot, c’est pas mal. »

Le chômage serait volontaire et choisi. Et le monde du travail retrouverait son « bhonneur » perdu. Parce que ce qui rend heureux au travail, comme dans le sport, c’est de se sentir appartenir à un collectif, à un groupe d’hommes et de femmes heureux d’œuvrer ensemble, et qui ensemble font société. François Hollande avait raison de dire que les artistes ont besoin d’amour, j’ajouterais les ouvriers, les sportifs aussi, tous nous n’avons besoin que d’amour.

A LIRE CETTE SEMAINE DANS LE CAHIER SPORT DU MONDE

– La longue marche des femmes. La france du football se trouve face à un paradoxe : alors que le nombre de licenciées explose, que l’équipe nationale féminine est de plus en plus médiatisée, ce sont toujours les hommes qui monopolisent les postes à responsabilités.

– Dopage : la passion « cortico ». Profitant d’une législation antidopage incompréhensible, de nombreux sprotifs ont généralisé l’utilisation de corticoïdes.

– Alain Prost, en pole position. Le quadruple champion du monde de Formule 1 évoque, dans un entretien au Monde, l’évolution de la Formule E et s’enthousiasme pour l’écurie qu’il codirige.