FRED TANNEAU / AFP

Editorial C’était une particularité hexagonale mais aussi italienne, espagnole, belge… européenne en quelque sorte. Depuis quarante ans, la fiscalité française avantageait le diesel au détriment de l’essence. En plein choc pétrolier, à l’heure de la chasse au « gaspi », il fallait encourager la plus économe des motorisations, 25 % moins consommatrice de carburant que les moteurs tournant au super.

Deux décennies plus tard, quand le CO2 a commencé à apparaître comme le coupable du réchauffement climatique, la sobriété du diesel a été vantée comme un outil pour ralentir les émissions de gaz à effet de serre. Le choix du tout-gazole était le bon, assurait-on. L’industrie française s’y est jetée à corps perdu. Peugeot en tête, ­devenu champion du monde du diesel, ­innovant sans répit, érigeant à Trémery (Moselle) la plus grande usine de moteurs diesel du monde.

Un tournant

Puis le scandale Volkswagen est passé par là, avec son cortège de révélations sur la réalité des rejets polluants et les petits arrangements de certains constructeurs. En 2011, déjà, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait jeté un pavé dans la mare en déclarant les gaz d’échappement des moteurs diesel cancérigènes avérés. La France a commencé à brûler ce qu’elle avait adoré. Depuis son pic de 2008 – 77 % des ventes –, le diesel a dévalé la pente pour atteindre à peine un peu plus de 50 % de part de marché aujourd’hui.

Cette décision recueille un assez large consensus : politiques, constructeurs, syndicalistes, professionnels de la filière

La volonté du législateur d’aligner la fiscalité de l’essence sur celle du diesel pour les véhicules d’entreprise constitue donc un tournant. Plusieurs amendements au projet de loi de finances pour 2017 ont été déposés dans ce sens. L’un d’eux est soutenu par Ségolène Royal, ministre de l’environnement, un autre par Delphine Batho, députée PS des Deux-Sèvres, dans une sorte de compétition assez dérisoire sur le mode de « qui sera la plus verte ». Mais, ce qui compte, c’est que, à partir de 2017, l’avantage fiscal du diesel, consistant en une déduction de la TVA payée sur le gazole par les véhicules d’entreprise, sera progressivement étendu à l’essence.

Ce choix est le bon. Il recueille un assez large consensus : politiques, constructeurs, syndicalistes, professionnels de la filière. Il est le bon, car le tout-diesel (qui n’existe ni en Amérique ni en Asie, Inde exceptée) pose des problèmes sérieux de santé pu­blique – la dépollution des moteurs au gazole se révélant d’une infinie complexité et de plus en plus onéreuse. Il est le bon, car il ne punit pas l’industrie et permet, en lui donnant du temps, une adaptation des usines et des organisations. Il est le bon, car, tout en contentant à peu près tout le monde, il ne ruine pas l’Etat, dans la mesure où des véhicules essence se substitueront à des véhicules diesel.

Mais il y a encore quelques bémols. La conversion du monde professionnel qui pèse la moitié du marché n’aura peut-être pas l’effet massif attendu. Selon les experts du secteur, seulement 10 % des véhicules professionnels basculeront vers l’essence. Pour atteindre ses objectifs de diminution de ses émissions de CO2, l’industrie devrait miser sur une montée forte et rapide de l’électrique. Mais, tant que ni l’infrastructure de charge ni l’autonomie des véhicules ne feront des progrès spectaculaires, la voiture électrique ne sera pas en capacité de prendre le relais.