S’il veut peser sur l’élection présidentielle de 2017, le mouvement se refuse à « enfermer dans une candidature ou dans un parti » ses revendications. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

C’est le noyau dur des défenseurs de la famille traditionnelle qui a défilé, dimanche 16 octobre, dans les rues de Paris. La Manif pour tous a rassemblé 24 000 personnes selon la police (200 000 selon les organisateurs). Le dernier défilé, en octobre 2014, avait mobilisé près de 80 000 personnes selon la police et 530 000 selon les organisateurs.

Le pari de réunir autant ou plus de personnes, dans l’objectif de peser au maximum avant la primaire de la droite et l’élection présidentielle de 2017, n’est donc pas tenu. Indice que les grandes heures du mouvement sont passées : peu de drapeaux de soutien flottaient aux fenêtres sur le parcours de la manifestation.

Entre la porte Dauphine et la place du Trocadéro, la foule des sympathisants de la Manif pour tous offre son visage habituel. Noyées dans les drapeaux roses et bleus, auxquels s’ajoutent cette fois beaucoup de drapeaux tricolores, beaucoup de familles, beaucoup de très jeunes enfants, quelques prêtres en soutane. Les manifestants entonnent des slogans contre la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA), contre la « propagande du genre à l’école », pour la « complémentarité » homme femme.

Participation aux "Manifs pour tous", 2012-2016

« On est tous nés d’un père et d’une mère, même dans une PMA et une GPA, lancent François-Xavier et Charlotte Villedey, 26 ans tous les deux. Les désirs des adultes doivent passer après les besoins des enfants, qui pour bien grandir ont besoin de la complémentarité entre l’homme et la femme. » Ce thème revient dans la bouche de tous les manifestants. « L’égalité de droit et de dignité ne veut pas dire que nous sommes similaires, observe Erwan, 19 ans, venu manifester avec sa mère et sa grand-mère. Des différences culturelles existent entre les sexes mais il y aussi des différences biologiques, qui influent sur les comportements. » Les qualités maternelles des femmes, en particulier la douceur, sont souvent soulignées.

PMA, GPA, adoption... en thèmes récurrents

Anne-Sophie est venue du Limousin, où elle élève des vaches et des lapins, pour protester contre « l’esclavage moderne » de la gestation pour autrui. « Une femme n’est pas une vache », sourit-elle. « Dans mon entourage beaucoup d’enfants ont été adoptés, ajoute Jean-Jacques, un ami d’Anne-Sophie. J’ai pu voir les difficultés que représente l’ignorance de ses origines. » Un troisième manifestant limousin, Martial, ne se résoud pas la « reconnaissance du fait homosexuel » et doute de la « stabilité » de ces couples.

Comprendre la PMA et la GPA en deux minutes
Durée : 02:22

L’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux célibataires a beau ne pas être envisagée par le gouvernement, pas plus que la légalisation de la gestation pour autrui, les manifestants redoutent « une technique des petits pas », pour reprendre l’expression de Joëlle, 50 ans, qui est venue de Rennes. La circulaire Taubira (qui en 2013 a facilité la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés par GPA à l’étranger) est souvent citée à l’appui de ce raisonnement. Certains manifestants évoquent d’autres motivations, comme le respect de l’embryon à naître et l’opposition à l’euthanasie.

« La Manif pour tous entre en campagne pour la famille », résume Ludovine de la Rochère, présidente du mouvement. À la fin du mois, un site Internet recensera les positions des candidats aux élections sur ce thème. Pour autant, le mouvement se refuse à « enfermer dans une candidature ou dans un parti » ses revendications. « La famille n’est pas de droite ou de gauche », affirme Mme de la Rochère. Et d’estimer, sur le ton de l’évidence : « Même si, bien entendu, c’est plutôt à gauche qu’on a beaucoup déconstruit dans ce domaine. »

« Pour la famille », mais pas derrière un candidat

Pour l’heure, c’est le député des Yvelines et successeur de Christine Boutin à la tête du parti chrétien-démocrate Jean Frédéric Poisson qui emporte la sympathie des manifestants. « Poisson c’est tous les jours, résume Delphine, 49 ans. C’est le seul qui n’a rien lâché depuis le débat à l’Assemblée. » « Le seul qui est clair, net, et n’a jamais changé d’avis », dit Martial. Il est l’un des rares politiques à soutenir encore, trois ans après sa promulgation, l’abrogation de la loi Taubira.

L’élu a fait le déplacement, mais n’a pas pris la parole à la fin du défilé, contrairement à Marion Maréchal-Le Pen (FN) qui a défendu, sous les applaudissements « les parents, la patrie et la civilisation ». Le FN défend également l’abrogation du texte.

Nicolas Dupont Aignan (Debout la France), qui avait déjà fait le déplacement en septembre, dans l’Essonne, à l’occasion de l’université d’été de La Manif pour tous, ainsi que le député de la Drôme Hervé Mariton, farouche opposant à la loi Taubira qui n’a pas pu concourir à la primaire de la droite, étaient également présents. À noter également la présence du maire de Béziers Robert Ménard (extrême droite), parvenu au pouvoir il y a deux ans grâce au soutien du FN.

François Fillon, en revanche, est absent. Malgré le soutien que lui a porté l’association Sens commun, émanation de La Manif pour tous au sein du parti Les Républicains, le candidat à la primaire de la droite s’est contenté d’un communiqué, la veille, pour dire son « soutien » et sa « sympathie » au mouvement. « Avec tous ces anathèmes qu’on nous lance sans cesse, ce n’est pas très confortable [de nous soutenir] », argumente Ludovine de la Rochère.

Pour le député (Les Républicains) de l’Ain, Xavier Breton, la perte d’influence de La Manif pour tous s’explique par « les attentats et la situation économique qui va mal ». « La famille reste pourtant un combat permanent, et pour ceux qui sont vraiment à droite, ce n’est pas un tabou ! », lâche-t-il aux côtés de son épouse et de deux de leurs huit enfants.

Non loin de là, les policiers avaient vite soustrait à leur vue le passage de quelques militantes Femen opposées à La Manif pour tous. Les seins nus, celles-ci exhibaient sur leur buste un message destiné aux manifestants et paraphrasant leur mot d’ordre : « Ne plus vous subir ».