Par les membres du conseil d’administration de Touche pas aux Bluets

Le 22 septembre 2016, l’hôpital Pierre Rouquès-Les Bluets a perdu la certification délivrée par la Haute Autorité de santé (HAS). C’est l’aboutissement de la crise violente et profonde que traverse l’établissement depuis avril. La crise de trop, celle qui peut être fatale à cet hôpital fondé et géré par les Métallos-CGT.

Depuis 2008, l’Association Touche pas aux Bluets, composée de parents, d’amis et de salariés des Bluets, défend « l’exception Bluets », une tradition d’innovation et d’excellence initiée par Fernand Lamaze.

Nous défendions alors les Bluets contre les menaces extérieures telle l’augmentation de l’activité qui, s’ajoutant au déménagement de 2007, menaçait les possibilités d’accompagnement. C’est dans ce contexte pourtant difficile que les Bluets ont obtenu, en 2009, le label Hôpital Ami des Bébés. Mais depuis 2012, l’instabilité vient de la gouvernance : trois directeurs en trois ans, pression sur les chefs de service…

Cette instabilité semblait avoir pris fin en septembre 2015, quand l’Association Ambroise Croizat (AAC), gestionnaire des Bluets, a choisi de nommer un directeur venu de l’hôpital public, Thomas Lauret.

Climat délétère, voire violent

En quelques mois, sous l’impulsion d’une équipe partiellement renouvelée et stabilisée, les salariés des Bluets ont redoublé d’efforts pour atteindre des objectifs de modernisation et d’amélioration. Surmontant les désaccords inhérents à tout processus de transformation, une écrasante majorité de personnels constatait que le fruit de leurs efforts conduisait au redressement de l’hôpital.

L’annonce ce jour-là du départ du directeur aux salariés médusés a donné le coup d’envoi d’une crise interne, marquée par une série de départs (outre le directeur, la coordinatrice des soins, un cadre pédiatre, la médecin chef, la coordinatrice des salles de naissance…) et d’arrêts-maladie révélateurs d’un climat délétère, voire violent. Touche pas aux Bluets a logiquement pris part à ce combat.

La dégradation continue des conditions de travail et la souffrance des personnels ont attiré l’attention de l’Agence régionale de santé (ARS), qui a diligenté en urgence une enquête sur place, le 3 mai 2016. L’envoi par le ministère de la santé d’une équipe de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dont le rapport sera connu prochainement, apparaît à ce titre comme une suite logique.

Pour autant, la non-certification par l’HAS est un fait grave et rarissime : le risque de fermeture qu’elle fait planer a provoqué un émoi légitime chez tous ceux qui sont attachés aux Bluets, et tout particulièrement les familles qui ont choisi cet hôpital pour la naissance de leur enfant.

Gouvernance autoritariste

Alors que la logique aurait voulu que la gouvernance des Bluets prenne acte de leur responsabilité dans cette décision, elle a intensifié le tir contre les tutelles (ARS) et les organismes de contrôle (HAS, IGAS) en criant au règlement de compte politique.

Mais c’est surtout la forme qu’a pris cette contestation qui interroge : l’AAC, soutenue par la CGT et certains élus communistes de la Mairie de Paris, a lancé un comité de soutien, dont l’objectif est de « sauver les Bluets ».

Comme nous, donc ? Mais lorsque l’on regarde de plus près, on comprend alors toute la manipulation. Ce comité, soutenu par de très rares salariés de l’hôpital, appelle la ministre Marisol Touraine à renoncer à fermer les Bluets, comme si le gouvernement était politiquement responsable de la faillite de l’établissement alors que c’est la gouvernance de l’AAC qui est défaillante et à l’origine de la situation.

Nous voyons la pétition initiée dernièrement par l’élu parisien Nicolas Bonnet, invitant les gens à « soutenir les Bluets », comme une nouvelle tentative de s’attirer le soutien et la signature de personnes de bonne foi, ayant comme nous les Bluets au cœur.

Or, cette inversion de l’effet et de la cause s’apparente à une situation où le pyromane accuserait les pompiers d’avoir mis le feu. C’est pourquoi Touche pas aux Bluets ne soutient pas cette pétition et appelle ses auteurs à être clairs, en manifestant une solidarité inconditionnelle aux salariés, à bout après de longs mois de conflit avec une gouvernance autoritariste.

Car la sauvegarde de l’hôpital passe par les salariés, seuls détenteurs du savoir-faire et du savoir-être des Bluets en termes de maternité, de planification/interruption volontaire de grossesse (IVG), de procréation médicalement assistée (PMA)… Et ausi par les parents !

Touche pas aux Bluets continuera à défendre cet établissement unique en son genre, dans l’esprit de ses fondateurs et notamment de Fernand Lamaze, qui a payé cher sa résistance aux gestionnaires de l’époque. Aujourd’hui, nous refusons d’une même voix toute instrumentalisation de l’établissement, de ses salariés et des familles !

Les membres du conseil d’administration de Touche pas aux Bluets : Pierre-Jérôme Adjedj (parent) ; Corinne Adler (sage-femme) ; Léa Baruch-Gourden (parent) ; Pierre-Baptiste Cordier-Simonneau (parent) ; Marie Borio (parent) ; Stéphanie Reverchon (sage-femme coordonnatrice des salles de naissance).

  • Le contexte

Dans son rapport, rendu public lundi 26 septembre, la HAS dénonce avec sévérité plusieurs problèmes d’organisation et regrette un manque de « stratégie » ou de « pilotage » dans la conduite de certaines activités de la maternité.

« L’absence d’effectif suffisant (en nombre ou en compétences) obère la continuité des soins au sein de l’établissement », relève-t-elle, sans pour autant mettre en cause les compétences des soignants. Avec plus de 3 000 naissances par an, 1 200 IVG et 1 200 essais de PMA réalisés, la maternité des Bluets, adossée à l’hôpital Trousseau, bénéficiait jusqu’à présent d’une excellente réputation à Paris. Elle a douze mois pour fournir à la HAS des engagements sur la façon dont elle compte répondre aux critiques.