Laurence Rossignol le 31 août 2016 à l’Elysée. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Obtenir de l’écho, pour tenter de faire évoluer les mentalités. C’est l’objectif de la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol, qui lance, jeudi 8 septembre, une campagne contre le sexisme. Ce n’est pas la première initiative. En septembre 2015, le gouvernement lançait « IVG, mon corps, mon droit, mon choix », et en novembre de la même année, « Stop, ça suffit », contre le harcèlement dans les transports.

Cette fois, pas de spot publicitaire ni d’affiche, le ministère mise sur les réseaux sociaux et la diffusion d’un badge pour faire passer le slogan « sexisme, pas notre genre », ainsi que sur le parrainage de nombreuses personnalités appelées à diffuser le message : les actrices et acteurs Julie Gayet, François Cluzet, Jean-Pierre Darroussin, Céline Sallette, l’humoriste Alex Lutz, le chef Pierre Gagnaire, le médecin Martin Winckler, la journaliste Audrey Pulvar… Les particuliers, les associations, les collectivités locales, les entreprises sont appelés à prendre des initiatives et à les faire labelliser par des associations partenaires du ministère.

« Tout l’arsenal législatif nécessaire »

L’objectif est de « débusquer le sexisme partout où il se trouve, le rendre visible, le nommer, et mettre en lumière toutes les initiatives qui contribuent à le faire reculer », selon le ministère. « Nous avons tout l’arsenal législatif nécessaire depuis la loi Veil de 1975 sur l’avortement, et la dernière loi date de 2014, explique Laurence Rossignol dans Le Parisien du 8 septembre. Pourtant, les résultats ne sont pas au rendez-vous des ambitions, ni sur les inégalités salariales, qui demeurent importantes ni sur les violences faites aux femmes, le harcèlement, ou l’image des femmes véhiculées dans la publicité. Ça ne changera donc pas en faisant une nouvelle loi. »

Depuis le début du quinquennat de François Hollande, la lutte contre le sexisme d’habitude est placée au cœur du discours institutionnel. Najat Vallaud-Belkacem en avait fait l’un de ses principaux axes d’action, avec notamment l’expérimentation des ABCD de l’égalité à l’école, dont l’objectif était de lutter contre les stéréotypes sexués dès l’enfance. L’opposition des militants « anti-genre » a eu raison du projet, qui a été retiré. Le gouvernement mise désormais sur des actions plus consensuelles, comme cette campagne.

Le sondage commandé par le ministère à l’institut CSA sur les représentations des Français montre à quel point le sexisme est présent dans la société, même s’il a tendance à passer inaperçu, en particulier parmi les jeunes. Trois catégories de personnes ont été interrogées (1 001 hommes de plus de 15 ans, 1 259 femmes de plus de 15 ans et 327 femmes âgées de 15 à 20 ans).

Quatre femmes sur dix disent avoir été victimes d’une injustice ou d’une humiliation due à leur sexe. Le taux monte à 50 % parmi les 15-20 ans. Le lieu de travail d’un côté, la rue et l’espace public de l’autre sont les deux principaux milieux où les actes sexistes s’exercent.

Un impact au quotidien

Autre enseignement : 41 % des femmes interrogées ont déjà subi des remarques « qui la mettaient mal à l’aise » au travail, 23 % ont reçu des propositions sexuelles insistantes, et 15 % ont déjà été touchées contre leur gré. Des chiffres élevés à mettre en relation avec le faible nombre de plaintes pour harcèlement sexuel déposées chaque année (environ un millier) et la rareté des condamnations (une soixantaine). La longueur des procédures et le fait qu’elles se révèlent souvent préjudiciables aux femmes sur leur lieu de travail découragent sans doute les victimes de porter plainte.

Le sexisme a un impact au quotidien : 63 % des femmes disent avoir déjà modifié leur comportement, en évitant certaines tenues ou en ne fréquentant pas certains endroits. La très grande majorité des femmes (82 %) et des hommes interrogés (70 %) jugent que la publicité reflète une image complexante des femmes. Pourtant, les stéréotypes sont très ancrés chez les hommes et les femmes : ils jugent à peu près dans les mêmes proportions que les femmes ont plus de chances de réussite dans les filières littéraires (34 %) et artistiques (environ 30 %) et que les garçons ont plus de chances dans les filières technologiques (environ 45 %) et sportives (44 %).

Les femmes sont même plus nombreuses que les hommes à penser qu’ils réussiront mieux dans les filières scientifiques (31 % contre 25 %). Cette intériorisation des préjugés débouche sur de l’autocensure, qui alimente les inégalités dans les filières suivies. Ce qui produit des inégalités salariales, les personnes ayant fait des études scientifiques étant mieux payées.

Cependant, le féminisme est une valeur plutôt consensuelle : 57 % des femmes, et 61 % des jeunes femmes se définissent comme « féministes ». C’est une surprise, le terme étant souvent rallié ou jugé daté. Et 70 % à 80 % des personnes interrogées jugent que le féminisme reste un combat utile. De quoi rassurer les militantes qui le mènent.