Francois Hollande, à Paris, le 15 octobre. | BENOIT TESSIER / REUTERS

Editorial du « Monde ». Comment achever de faire de son camp un champ de ruines, désespérer ses amis, réjouir ses adversaires et s’affaiblir un peu plus soi-même ? François Hollande a trouvé la recette. Il multiplie à tort et à travers les confidences aux journalistes, comme s’il était dans un exercice de télé-réalité, dresse son propre bilan, se distribuant des bons points et avouant quelques « erreurs », et va jusqu’à se tirer une balle dans le pied. Le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, « Un président ne devrait pas dire ça… », a des allures de suicide politique. Voilà un président de la République au fond du fond, au plus bas dans les sondages, supposé incarner une gauche qui se délite au point de ressembler à une peau de chagrin, qui est en train de créer lui-même les conditions de son empêchement à se représenter. Le chef de l’Etat qui se voulait normal se comporte de façon quelque peu anormale.

Décision en décembre

Depuis son élection, en 2012, M. Hollande s’était imposé les conditions d’une nouvelle candidature : il devait réussir au terme de son mandat à inverser la courbe du chômage. L’objectif paraissant de plus en plus inatteignable, il a changé de registre. Il s’est posé en défenseur, face à la droite et à l’extrême droite, de la démocratie et des valeurs républicaines. Il a accepté l’exercice, inédit pour un président sortant, de se plier à une primaire, prenant ainsi le risque de la perdre. Et, à défaut de stratégie de communication adaptée, il s’est fixé un calendrier. C’est au lendemain de la primaire de la droite, dont le second tour aura lieu le 27 novembre, qu’il révélera ses intentions. « Je prendrai ma décision au début du mois de décembre », répète-t-il, lundi 17 octobre, dans un entretien aux journaux du groupe régional EBRA. « Je peux entendre les doutes et les impatiences, mais mon devoir, avec le gouvernement de Manuel Valls, est d’avancer et d’agir sans relâche pour les Français et notamment pour faire baisser le chômage », ajoute-t-il. Comme si de rien n’était…

Il y a un mystère Hollande. L’homme politique ne manque pas d’habileté ni de talent. Il l’a montré dans la primaire de 2011 puis dans la campagne présidentielle. Depuis plusieurs mois, il sème des petits cailloux, entre son discours de la Salle Wagram, le 8 septembre, et son interview à L’Obs du 13 octobre – « Je suis prêt » –, qui ne laissent aucun doute sur sa volonté d’être candidat. Dans le même mouvement, il a aussi évoqué l’hypothèse d’une non-candidature. « Je ne ferai pas de choix de candidature si d’évidence elle ne pouvait pas se traduire par une perspective de victoire », a-t-il déclaré parmi ses multiples confidences aux journalistes. « Je ne serai pas candidat pour perdre », a-t-il renchéri début septembre.

François Hollande aime l’image de Sisyphe qui pousse en haut de la montagne une pierre qui à chaque fois retombe. Son comportement actuel fait plutôt penser à Gribouille, qui détruit consciencieusement tout ce qu’il a construit. L’épisode du livre « Un président ne devrait pas dire ça… » a fait rejaillir de sérieux doutes sur la crédibilité de sa candidature au sein de sa garde rapprochée. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, et Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, s’interrogent à haute voix. A six mois du premier tour de l’élection présidentielle, le président ne veut pas dévier de sa route. Mais, chaque jour, il semble lui-même y disposer des obstacles.