En France, Alain Afflelou est cité par le grand public comme l’un des quatre « plus grands entrepreneurs », derrière Bernard Arnault, Xavier Niel et Vincent Bolloré, selon un sondage réalisé en décembre 2015 par BVA pour le Salon des entrepreneurs. Les investisseurs sont-ils pour autant prêts à placer leur argent dans son entreprise ? Réponse dans les prochaines semaines. Le distributeur de lunettes a en effet annoncé mardi 18 octobre avoir franchi la première étape en vue de revenir en Bourse, dix ans après en être sorti.

Le document dans lequel l’entreprise se met à nu a été enregistré lundi auprès de l’Autorité des marchés financiers, et les dirigeants ont entamé leur campagne de promotion. Objectif, entrer en Bourse avant la fin de l’année. Le groupe espère signer ainsi la plus importante introduction à Paris en 2016. Un bon test de vision pour les milieux financiers, en pleine période de flou lié au Brexit.

Comme avec ses lunettes, Afflelou propose deux opérations pour le prix d’une. La première est une augmentation de capital d’environ 200 millions d’euros. « Cet argent va nous permettre de nous désendetter », explique Frédéric Poux, le PDG qui a succédé au fondateur Alain Afflelou. Comme c’est généralement le cas des entreprises reprises en leveraged buy-out (LBO), la société Afflelou porte elle-même la dette liée à son acquisition par des fonds. Cette dette, très lourde, dépasse 5,5 fois son résultat d’exploitation. Les remboursements mangent tous les bénéfices, et même davantage, si bien que le groupe a cumulé une perte nette de 60 millions d’euros en trois ans. L’apport d’argent frais doit ramener le poids de la dette à un niveau plus supportable.

346 millions d’euros de chiffre d’affaires

Simultanément, les actionnaires actuels (Lion Capital, la Caisse de dépôt et placement du Québec, Apax, Alain Afflelou lui-même et les dirigeants) vont tous céder une partie de leurs titres. « Cinq ans après le LBO, il est logique qu’ils pensent à sortir », commente M. Poux.

En 2012, Afflelou avait déjà tenté de revenir en Bourse. Mais la crise de la zone euro avait remis le projet en cause, et le britannique Lion Capital avait finalement mis la main sur l’entreprise. A présent, l’atonie économique en France et la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ont aussi refroidi bien des ardeurs. Seules 13 sociétés ont osé frapper à la porte de la Bourse de Paris depuis le début de l’année, contre 37 pour l’ensemble de 2015. La fortune a toutefois souri à l’audacieux Maisons du monde, dont l’action a bondi de 50 % depuis son arrivée, fin mai.

De quoi laisser bien des espoirs à Afflelou. D’autant qu’en quelques années, le groupe de 346 millions d’euros de chiffre d’affaires s’est musclé. Le socle reste le même : la vente de lunettes, essentiellement en France et en Espagne, dans des magasins qui portent la marque Afflelou mais restent détenus par des commerçants indépendants. Ce système de franchise permet un développement rapide tout en limitant les investissements. Quatrième réseau en France, sur un marché dominé par Optic 2000 et Krys, Afflelou estime y disposer d’une marge de progression : « nous pourrions avoir 900 magasins, soit 160 de plus qu’aujourd’hui », estime le PDG.

Quatre moteurs de développement

Pour accélérer cette expansion, quatre moteurs ont été ajoutés ces dernières années. A commencer par la vente d’appareils auditifs. En France, Afflelou est devenu en quelques années un des acteurs importants de ce marché porteur. Deuxième moteur, Internet. Le fondateur de l’enseigne n’y croyait pas vraiment. M. Poux, 45 ans, en a fait un axe important, notamment avec l’achat de deux sites de vente en ligne, Happyview et Malentille. Le troisième changement a consisté à faire entrer le groupe dans le bas de gamme, avec les achats de Optical Discount en France puis Optimil en Espagne, afin de profiter de l’essor de ce segment.

Enfin, Afflelou a posé son drapeau dans de nouveaux pays, comme le Chili. Une première boutique doit ouvrir en Chine dans quelques jours. « L’introduction en Bourse nous donnera les moyens de nos ambitions internationales », promet le PDG, qui a déjà en tête les noms de quelques réseaux qu’il pourrait acheter hors de France.