Des opposants au président Joseph Kabila, lors d’une manifestation, le 19 septembre, à Kinshasa. | KENNY KATOMBE/REUTERS

C’est une « journée villes mortes » à laquelle sont appelés les Congolais, mercredi 19 octobre. Le « rassemblement » – constitué de la majeure partie de l’opposition – a réitéré son appel à la mobilisation un mois jour pour jour après les précédentes manifestations visant à pousser le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, à partir à la fin de son mandat, le 19 décembre. Réprimées dans la violence, elles avaient fait au moins 53 morts – 49 civils et quatre policiers –, selon l’ONU.

La légitimité du président Joseph Kabila – au pouvoir depuis 2001 après l’assassinat de son père et réélu en 2011 à l’issue d’un scrutin marqué par des fraudes massives – est au cœur de la crise politique qui secoue la République démocratique du Congo. Son mandat s’achève en décembre et la Constitution lui interdit d’en briguer un nouveau. Or Joseph Kabila ne montre aucun signe laissant penser qu’il souhaite abandonner ses fonctions et refuse, selon ses détracteurs, d’organiser de nouvelles élections d’ici à la fin de l’année.

  • Report des élections en 2018

Lundi, le gouvernement, une frange minoritaire de l’opposition et des représentants de la société civile se sont accordés dans le cadre d’un « dialogue national » sur le report de l’élection présidentielle, ainsi que des élections législatives et provinciales. Selon l’accord, celles-ci doivent avoir lieu en avril 2018, maintenant M. Kabila dans ses fonctions jusqu’à cette date. Initialement, le scrutin présidentiel devait avoir lieu le 27 novembre, selon la Constitution.

Ce report n’est toutefois pas une surprise. En janvier 2015, l’Assemblée congolaise avait adopté un projet de loi électorale susceptible d’entraîner un report de la présidentielle et de permettre ainsi à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son mandat. Le texte adopté lie en effet la tenue des élections législatives et présidentielle aux résultats du recensement général de la population, qui pourrait prendre plusieurs années selon certains analystes. Des manifestations avaient éclaté dans la foulée, avant de dégénérer en émeutes et en pillages, faisant des dizaines de morts.

  • Un accord contesté par la majeure partie de l’opposition

Cet accord a été immédiatement dénoncé par le « rassemblement » de l’opposition, qui a refusé de participer aux négociations, y voyant une manœuvre de la part de Joseph Kabila pour rester président à vie.

L’absence de la majeure partie de l’opposition à la table des négociations fait peser le doute sur la capacité de cet accord à sortir le pays de la crise. Autre absente de poids, l’Eglise catholique, dont se revendiquent environ 40 % des Congolais, s’était retirée des négociations après les violences de septembre afin « de rechercher un consensus plus large », en vain.

Enfin, l’accord ne précise pas expressément que M. Kabila ne sera pas candidat à la fin de son mandat, indiquant simplement que les participants ont pris « l’engagement ferme de respecter la Constitution », selon l’un des représentants de l’opposition ayant participé aux négociations.

  • La communauté internationale inquiète

Après avoir estimé fin septembre que la République démocratique du Congo était « au bord de la guerre civile », le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a jugé, mardi 18 octobre, que le report de la présidentielle n’était « pas une réponse à la crise ». « Il n’y a qu’une façon de sortir de la crise : que le président annonce qu’il ne se représente pas et qu’une date soit fixée pour l’élection », a-t-il souligné.

De son côté, l’Union européenne a « vivement condamné », lundi 17 octobre, les récentes violences meurtrières dans le pays, avant d’indiquer qu’elle allait œuvrer, à l’instar des Etats-Unis, à de possibles sanctions contre le régime du président Kabila si des élections n’étaient pas rapidement organisées en 2017. Fin septembre, Washington a en effet adopté des sanctions financières à l’encontre de deux hauts responsables militaires proches du président, les généraux Gabriel Amisi Kumba et John Numbi.

La République démocratique du Congo a par ailleurs été placée sous la surveillance du Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour éviter un nouveau bain de sang après la répression meurtrière de septembre.