Paul Magnette, président socialiste de la Wallonie, rencontre, à la sortie du Parlement, à Namur, le 14  octobre, des membres de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs hostiles au CETA. | BRUNO FAHY / AFP

Sauf surprise improbable, le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (CETA) ne sera pas entériné par les pays membres de l’Union européenne (UE) vendredi 21 octobre, puis signé – comme espéré depuis des mois par la Commission européenne – le 27 octobre.

Dans la soirée du mardi 18 octobre, lors d’une réunion extraordinaire de la commission des affaires européennes du Parlement de Wallonie, le ministre-président de la région, Paul Magnette (PS), a rejeté l’échéance fixée à vendredi par la Commission.

« Il n’y a pas d’urgence, le traité est en train de se découdre. Prenons quelques semaines ou quelques mois pour renégocier et sortir par le haut », a-t-il précisé mercredi matin, à la RTBF.

Le gouvernement fédéral belge ne pourra donc pas se prononcer dans les délais prévus sur l’approbation du traité. Le premier ministre, Charles Michel, doit, pour cela, recueillir l’approbation de toutes les assemblées régionales de son pays, en vertu des règles de son système fédéral.

Signal politique négatif

« Il reste trop de problèmes pour trouver un accord d’ici à vendredi », avait affirmé M. Magnette, mardi soir, douchant les espoirs du ministre des affaires étrangères et du commerce, Didier Reynders, qui avait participé, le matin même à une réunion avec ses homologues à Luxembourg. Une rencontre censée, au départ, préparer le projet de signature avec le Canada. La commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, avait, elle aussi, fait mine d’espérer encore un accord final des francophones belges, qui avaient, la semaine dernière, exprimé un vote de défiance.

Devant les députés de sa région, M. Magnette a énuméré plusieurs points « positifs » obtenus au cours des pourparlers des derniers jours entre les différentes autorités belges, et entre celles-ci et la Commission. Le ministre-président a cité des avancées sur une clause concernant les droits de l’homme, l’exception culturelle, des clarifications dans le domaine agricole (notamment sur le bœuf aux hormones), le développement durable, la notion de service public, la santé, le droit du travail, le principe de précaution, etc.

La Wallonie est en train de devenir le porte-drapeau de tous les anti-libre-échange européens

Des revendications qui avaient été formulées après l’examen très critique du texte initial par le Parlement wallon et celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. M. Magnette juge toutefois que des « difficultés substantielles » subsistent : sur les mécanismes d’arbitrage entre les Etats et les multinationales, la valeur juridique exacte des documents interprétatifs du texte de base, une clause de sauvegarde agricole pour l’UE, etc.

Trouver un « oui conditionnel »

La difficulté réside aussi dans le calendrier de la négociation, a souligné le ministre-président.

« Le processus démocratique doit perdurer jusqu’au bout », a-t-il indiqué.

Se disant « conscient » du risque d’annulation du sommet Europe-Canada du 27 octobre, ainsi que d’une nouvelle crise pour l’Union, le responsable socialiste a cependant réclamé un délai supplémentaire.

Quatre partis – dont le PS et son allié de la majorité, le Centre démocrate humaniste – ont appuyé M. Magnette. L’opposition libérale (le Mouvement réformateur du premier ministre fédéral, Charles Michel) s’est montrée critique mais a admis que M. Magnette semblait rechercher le moyen d’« atterrir » et de trouver un « oui conditionnel ».

Il reste à savoir ce qu’en penseront le Canada et les 27 alliés de la Belgique au sein de l’UE. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont, en tout cas, trouvé un nouveau sujet de préoccupation pour le sommet qu’ils tiendront à Bruxelles, jeudi 20 et vendredi 21 octobre.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

La Commission se disait, elle, encore confiante, mardi soir. Une nouvelle réunion avec les responsables wallons était programmée mercredi. Mme Malmström est encouragée par le fait que les dernières réticences de toutes les autres parties ont été levées (notamment celles du gouvernement allemand, qui voulait obtenir des garanties supplémentaires après que sa Cour constitutionnelle a approuvé la ratification, mais avec des réserves).

Un peu plus impuissante et faible

Si la Commission espère encore à un accord avec les Wallons avant vendredi, c’est qu’au-delà de ce délai, l’organisation d’un sommet avec le Canada sera très aléatoire. Le premier ministre canadien Justin Trudeau, fervent supporter du CETA, n’a pas du tout envie de faire le déplacement à Bruxelles pour rien. La date butoir pour décider de la venue ou non de M. Trudeau serait fixée à samedi. Les ambassadeurs devraient donc travailler avec la Commission et les Wallons jusqu’à vendredi soir tard.

Si la « fenêtre de tir » du 27 octobre était ratée, le traité ne serait toutefois pas définitivement mort, l’accord commercial, signé entre la Commission et Ottawa en septembre 2014, restant sur la table. Le signal politique envoyé par l’UE serait toutefois plus que négatif : elle apparaîtrait un peu plus impuissante et faible, alors que le Brexit se profile, qu’un accord avec le Vietnam est en instance de ratification et que Bruxelles mène des négociations difficiles avec le Japon dans la perspective d’un accord au moins aussi important que le CETA.

La Commission n’anticipait pas une réaction aussi dure de la part des francophones belges, même si Mme Malmström était consciente de l’opposition croissante des opinions publiques au libre-échange (en France, en Allemagne, en Autriche). Elle a travaillé pour « équilibrer » le CETA et réussi à y inclure des mécanismes d’arbitrage censés garantir la capacité législative des Etats.

Que les réticences de la Wallonie soient fondées ou pas, cette région est, en tout cas, en train de devenir le porte-drapeau de tous les anti-libre-échange européens. Un mouvement qui coalise des ONG, des écologistes, l’ultragauche et des populistes de droite. Tous saluent la « résistance » des Wallons, saturent les réseaux sociaux et sont en train de gagner la guerre de la communication face à une Commission une fois encore en difficulté.

Les dates

Juin 2007

Le Canada et l’Union européenne (UE) conviennent de mener une étude afin d’évaluer l’intérêt de nouer un partenariat économique plus étroit.

Mai 2009

Lancement des négociations en vue du futur accord de libre-échange économique.

Septembre 2014

Au sommet Canada-UE tenu à Ottawa, les dirigeants signent l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA).

Février 2016

Ottawa…