Revenu de base, allocation universelle, revenu inconditionnel, dividende universel… Sous des appellations diverses et variées, la thématique d’un revenu universel et individuel attribué à chacun sans condition de ressources refait son apparition dans le débat public. Elle a ses partisans de longue date et ses nouveaux convertis. Et, à vrai dire, elle recouvre à peu près autant de conceptions que d’adeptes.

Lolo : Comment ce revenu de base va t-il être financé ?

Patrick Roger : Très bonne question. Différents types de financement sont envisagés. Les libéraux, comme Génération libre, suggèrent d’établir un crédit d’impôt financé par une flat tax (un impôt proportionnel sur le revenu) égal à 23 % pour tous pour un revenu d’existence de 450 euros. Quand la différence entre le revenu de base et l’impôt est négative, le contribuable reçoit la différence en cash. Nathalie Kosciusko-Morizet est également favorable à une flat tax. L’autre financement le plus couramment évoqué consiste à réorienter l’assiette de tout ou partie des allocations sociales vers le financement de ce revenu de base.

Un Parisien : Dans quels départements pourraient se faire les premières expérimentations françaises ?

Patrick Roger : Pour l’instant, il s’agit seulement d’une préconisation de la mission d’information du Sénat. Rien ne garantit que ces expérimentations seront effectivement mises en œuvre.

Doudou : Bonjour, est-ce que ces expérimentations vont être les premières menées en France ? Y a-t-il un pays européen qui soit déjà plus « avancé » en la matière ?

Patrick Roger : Il y a déjà eu quelques expérimentations à l’étranger, mais limitées et incomplètes. Dans les années 1970, un revenu de base a été expérimenté dans certaines villes des Etats-Unis et du Canada afin d’en étudier les effets sur la résorption de la pauvreté et la relation à l’emploi. Certaines expériences ont également été menées dans le passé en Inde et en Namibie. En Finlande, la coalition gouvernementale arrivée au pouvoir en 2015 a lancé une étude visant à l’expérimentation d’un revenu de base pour une période de deux ans à partir du 1er janvier 2017. Une réflexion est également engagée aux Pays-Bas.

Santabulessu : Bonjour, J’ai deux questions, la première porte sur le montant évoqué dans ce rapport. Quel est-il ? j’entends depuis quelque temps parler de 450-500 euros, lorsque parfois il est question de 700-800 euros. Deuxième question : L’hypothétique mise en place du revenu de base s’accompagne t-il d’une discussion autour du Smic ? Puisque certains souhaiteraient qu’il disparaisse.

Patrick Roger : Bonjour. Selon les propositions et les modes de financement envisagés, le montant du revenu de base diffère, allant de 400 à 1 000 euros. Dans sa note publiée en mai, la Fondation Jean-Jaurès étudie trois scénarios, à 500, 750 ou 1 000 euros, en retenant l’hypothèse centrale comme la plus réaliste.

Santabulessu : Bonjour, Autre question : le rapport rendu aujourd’hui au Sénat chiffre t-il les économies réalisables en termes de gestion administrative (et de fonctionnaire) de la fusion des différentes allocations ? Merci

Patrick Roger : Bonjour. Il n’y a pas, dans le rapport du Sénat, de chiffrage de ces économies de gestion. Il se contente de noter que la simplification des procédures « générerait des économies qui ne sauraient constituer un élément important de son financement ». Dans sa note publiée en mai, la Fondation Jean-Jaurès chiffre quant à elle les économies de gestion des caisses de Sécurité sociale à 10 millions d’euros.

Bukobuffle : Bonjour, Je me demande à quel point le débat sur le revenu de base est à mettre en relation avec les échéances électorales prochaines. Est-ce une idée réellement prise au sérieuse par l’ensemble de la classe politique où alors risquons-nous de voir revenir ce débat à chaque scrutin sans jamais qu’il n’y ait réellement d’avancée (débat sur la légalisation du cannabis par exemple) ? Merci

Patrick Roger : Bonjour. Comme nous le relevions dans l’article publié ce matin dans Le Monde, l’idée d’un revenu de base n’est pas, pour l’instant, portée par les principaux candidats à l’élection présidentielle. Ce n’est pas faire injure à Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Frédéric Poisson ou Frédéric Lefebvre, d’un côté, ou à Benoît Hamon, Arnaud Montebourg ou Marie-Noëlle Lienemann, de l’autre, que de considérer que leurs chances d’accéder aux responsabilités exécutives en 2017 sont limitées. A noter cependant que Manuel Valls s’est récemment dit ouvert à étudier cette piste. Mais nous sommes effectivement en fin de quinquennat.

Zzz : Quels sont les différents pays dans le monde où le revenu de base est essayé/mis en pratique sur l’ensemble de la population ?

Patrick Roger : Bonjour. Comme nous l’expliquions précédemment, si des expérimentations partielles ont été menées ou sont envisagées, aucune expérience n’a été menée à l’échelle d’un pays.

MZ : Quelles sont les conclusions tirées des essais faits dans les années 1970 au Canada et Etats-unis que vous venez de mentionner ?

Patrick Roger : Encore une fois, ces expérimentations sont trop limitées pour en tirer des conclusions définitives. Certains éléments statistiques feraient apparaître une baisse de l’effort de travail. En revanche, l’expérimentation canadienne semble montrer des effets bénéfiques en matière d’éducation et de santé.

La Poupe : Bonjour, Ce revenu de base sera-t-il perçu de manière égale par tous les citoyens (mineur/majeur ; actif : inactifs) comme il est souvent mentionné pour le revenu universel ?

Patrick Roger : Là aussi, les propositions varient. Christine Boutin plaidait au début des années 2000 pour un « dividende universel » pour tous, de la naissance à la vie. D’autres propositions envisagent le versement uniquement à la majorité. Le revenu de base étudié par la Fondation Jean-Jaurès serait différencié : 30 % de son montant jusqu’à 15 ans, 50 % de 15 à 18 ans, le montant de base au-delà, multiplié par 1,5 pour les retraités.

Sylvain K. : Bonjour, les possibilités d’un revenu de base semblent assez ouvertes : sur son montant, sur le remplacement ou non de telle ou telle allocation, sur les personnes éligibles, le rapport du Sénat développe-t-il des scénarios précis (si oui, combien ?) ou bien l’approche reste-t-elle très générale sur l’éventail des possibilités ? Merci

Patrick Roger : Bonjour. Pour répondre à plusieurs questions portant sur le même sujet, le rapport du Sénat reste très général et ne propose pas un modèle précis de revenu de base. Au contraire, dans sa conclusion, il suggère d’expérimenter plusieurs formes d’allocation.

Tom : Bonjour, Le concept de « salaire à vie », développé par Bernard Friot, et lointain cousin du Revenu de base, a-t-il été étudié dans le rapport sénatorial ? Si oui, qu’en est-il sorti ? Pour rappel, il s’agit de rediriger l’intégralité des salaires (salaires nets + cotisations patronales + cotisations salariales) dans une caisse, qui redistribuerait un salaire à vie à tout personne âgée de 18 ans ou plus. Le montant du salaire serait défini par la qualification de chacun et non pas par le poste occupé. Au final, cela revient tout simplement à élargir le concept de la rémunération des fonctionnaires (ou de la retraite) à toute la population.

Patrick Roger : Bonjour. Vous avez raison de rappeler le concept défendu par Bernard Friot, qui n’entretient cependant qu’un lointain rapport avec le revenu de base et ne se nourrit pas des mêmes réflexions. Mais il n’est pas évoqué dans le rapport du Sénat.

VB : Bonjour. Je vis en Suisse. Ici le peuple a voté contre un revenu base universel il y a quelques mois. Dans les nombreux débats autour du sujet j’ai perçu (une fois encore…) une crainte par rapport au fait de « donner » ce revenu « aux étrangers ». Parle-t-on de cet aspect-là en France ? Qui y aurait droit ? Les personnes nées en France ? Les travailleurs étrangers ?

Patrick Roger : Bonjour. Effectivement, les Suisses ont voté contre, le 5 juin, le principe d’un revenu de base universel et la question des étrangers vivant en Suisse n’était pas absente des motivations. Le débat en France est cependant encore trop peu avancé pour que des éléments de cette nature soient perceptibles.