L’ExoMars Trace Gas Orbiter (TGO), à droite, et son module Schiaparelli, au centre, approchant Mars. | ESA ATG/medialab via AP

L’Europe et la Russie spatiales, associées dans la mission ExoMars partie le 14 mars, ne savaient toujours pas, jeudi 20 octobre, si elles avaient enfin réussi à se poser sur la planète rouge. Treize ans après Beagle 2, un rover conçu pour explorer la surface martienne mais qui est resté silencieux, les deux partenaires n’ont en effet plus de nouvelles de Schiaparelli, un module fixe de 600 kilogrammes destiné à expérimenter l’entrée dans une atmosphère extraterrestre. Neuf échecs, sur vingt tentatives de ce genre sur Mars, ont été enregistrés à ce jour. Seuls les Américains ont réussi cet exploit : leurs rovers Curiosity arrivé en 2012, et Opportunity en 2004, continuent d’ailleurs leur exploration.

Tout avait pourtant bien commencé mercredi 19 octobre peu après 16 h 30, puisque des radiotélescopes situés en Inde avaient suivi l’entrée dans l’atmosphère à plus de 21 000 km/h et le déploiement du parachute du module. Puis, plus rien. Au centre de contrôle de l’Agence spatiale européenne (ESA), ce n’était pourtant pas encore la déception car ce suivi par ondes radio de la chute, de six minutes seulement, était une sorte de bonus. Le signal reçu était de toute façon très faible et les ingénieurs comptaient surtout sur des sondes déjà en orbite comme Mars Express (ESA) et Mars Reconnaissance Orbiter (NASA) pour servir de relais.

Mais il fallait attendre leur passage en visibilité de la Terre afin que leur signal soit reçu sur notre planète. Et bien sûr attendre d’analyser les données reçues. En outre, les radiotélescopes indiens et Mars Express ne captaient qu’une succession de bips, permettant seulement d’évaluer la vitesse de chute par effet Doppler, sans connaissance des autres paramètres de vol – accélération, température… Vers 20 h 30, les données de Mars Express confirmaient l’arrêt brutal des communications avec la sonde peu avant le contact du sol.

Dans la nuit, la sonde Trace Gas Orbiter (TGO), qui manœuvrait délicatement pour entrer en orbite autour de Mars après avoir largué Schiaparelli le 16 octobre, envoyait les précieux paramètres de vol de la descente. Jeudi matin, des analyses étaient encore en cours pour comprendre ce qui s’était passé juste après le déploiement du parachute. Elles confirment que le comportement du module, à partir de ce moment là, n’était plus celui attendu. Aucune communication n’a pu être établie avec l’atterrisseur après le contact au sol jusqu’à présent.

Le directeur général de l’ESA, Jan Woerner a rappelé que « cette partie de la mission était un test et le principal est que les données des capteurs lors de la descente ont été récupérées ».

Scruter l’atmosphère martienne

Il est trop tôt pour estimer les conséquences d’un éventuel échec sur le second volet d’ExoMars prévu pour 2020, une partie plus ambitieuse puisque destinée à poser un véhicule autonome sur le sol martien, qui plus est capable de forer le sol jusqu’à 2 mètres, soit dans des couches protégées des rayons solaires et des attaques chimico-physiques de surface. Avec l’espoir que les échantillons concassés puis analysés dans le rover contiendront de la matière organique, trace de vie probable sur cette planète, à l’enfance très proche de celle de la Terre.

« Il faudra du temps pour savoir si seuls des ajustements de détail, ou plus fondamentaux, seront nécessaires pour se poser sur Mars », rappelle Thierry Blancquaert, responsable du module d’atterrissage à l’ESA. En outre, le module de rentrée atmosphérique sera différent et fabriqué par les Russes et non pas par l’Europe comme Schiaparelli, construit par Thales Alenia Space. Quant au financement final de la mission d’un coût total de 1,3 milliard d’euros, il était de toute façon soumis à l’arbitrage interministériel habituel de décembre.

Schiaparelli embarquait en outre quelques instruments scientifiques, surtout destinés à des mesures météo – pression, température, vitesse des vents… – intéressantes en cette saison des tempêtes sur Mars. Plus regrettable est l’impossibilité de disposer d’une donnée originale et qui aurait été une première, la mesure du champ électrique. En effet, comme dans un désert terrestre, le frottement des grains de poussières les uns sur les autres crée des charges électriques qui se dispersent différemment selon l’altitude. Un champ électrique de plusieurs milliers de volts par mètre apparaît alors, pouvant soit soulever d’autres grains et emballer les tempêtes, soit accélérer des électrons qui vont disloquer des molécules en surface. De quoi, peut-être, expliquer pourquoi il ne reste plus de matière organique sur le sol de Mars.

L’ESA soulignait cependant la réussite de la seconde phase de la mission, elle aussi risquée. Il s’agit de l’insertion sur la bonne orbite de la sonde TGO. Or, là aussi, depuis 1993, trois tentatives de mise en orbite avaient échoué, sur huit. La réussite de cette phase était cruciale : TGO servira en effet de relais en 2020 entre la Terre et la future mission ExoMars 2020. Avec Mars Express, c’est la seconde sonde européenne en orbite autour de Mars.

Ce satellite a aussi pour mission, d’ici là, de scruter l’atmosphère martienne dominée par le dioxyde de carbone. Elle analysera des gaz en très faible concentration, comme par exemple le méthane. Cette molécule assez simple passionne les chercheurs car elle peut être d’origine biologique et donc témoigner elle aussi d’une vie sur Mars. Mais elle peut aussi être engendrée par des processus physico-chimiques, sans intervention d’espèce vivante. L’enjeu est donc de taille, d’autant que d’autres hydrocarbures comme le propane ou l’éthane, détectables par TGO, pourraient aider à trancher entre les deux hypothèses.

Cependant, cet ambitieux programme ne débutera que dans un an, après un long manège de la sonde autour de Mars. Pour s’installer sur une orbite quasi circulaire à 400 kilomètres d’altitude, TGO devra effectuer plusieurs tours en frôlant l’atmosphère afin de freiner sans brûler de carburant. Mais cet aérofreinage est plutôt lent et risqué : encore du stress en perspective pour les ingénieurs.

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