Le 19 octobre, après l’annonce des résultats de la primaire qui a vu se qualifier Yannick Jadot et Michèle Rivasi. | Julien Muguet pour «Le Monde»

A la surprise générale, la députée de Paris, Cécile Duflot, a été éliminée dès le premier tour de la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts. L’eurodéputé Yannick Jadot est arrivé en tête, avec 35,61 % des voix. Michèle Rivasi, elle aussi eurodéputée, est arrivée en deuxième position avec 30,16 % des voix.

Julien : Quelle a été la réaction de Cécile Duflot à son élimination prématurée ? Peut-on déjà avoir un début d’explication ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : Mercredi soir, Cécile Duflot avait donné rendez-vous dans un café près du siège d’EELV, où les résultats ont été annoncés. Elle a finalement annulé sa venue et s’est contentée de réagir sur Facebook par une déclaration écrite. Elle se dit « déçue » et ne donne pas de consigne de vote pour le second tour. « Je soutiendrai comme je m’y suis engagée celle ou celui qui sera désignée », ajoute-t-elle.

Joackim : Bonjour, quelles sont les principales différences entre ces deux candidats sur le plan des réformes écologiques qu’ils veulent appliquer ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : Yannick Jadot et Michèle Rivasi ont des profils assez similaires et peu de chose les différencie. Ils reprennent très largement les positions d’EELV en défendant la sortie du nucléaire, l’arrêt des grands projets inutiles comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ou encore la légalisation du cannabis… On note cependant quelques petites différences, comme sur le revenu de base. Lors du premier débat entre les quatre candidats, le 27 septembre, Mme Rivasi proposait entre 800 et 1 000 euros quand M. Jadot le situait autour de 500 euros.

Aktarus : Bonjour, et merci pour ce live. Cécile Duflot peut-elle espérer conserver son siège de députée de Paris malgré ce revers ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : C’est difficile à dire. Avant d’être éliminée au premier tour de la primaire d’EELV, Cécile Duflot a toujours dit qu’elle serait candidate aux législatives. Sa circonscription, située à cheval sur les 11e et 20e arrondissements de Paris, est une des plus à gauche de France. En 2012, Mme Duflot a été élue dans le cadre d’un accord avec le PS. A l’heure actuelle, aucune alliance n’est envisagée, ni d’un côté, ni de l’autre, et on imagine mal les socialistes lui faire un cadeau. Elle pourrait donc se retrouver avec un candidat PS face à elle, ce qui pourrait sérieusement compliquer sa réélection, surtout si la droite remportait la présidentielle.

C. : Comment sont répartis géographiquement les inscrits et votes pour la primaire ? Les candidats ont ils des fiefs électoraux marqués… Rivasi en Rhône-Alpes, Duflot à Paris. Vu le petit nombre de votants cela pourrait être déterminant.

Raphaëlle Besse Desmoulières : Au Monde, nous avons récupéré les données géographiques des sympathisants inscrits à la primaire d’EELV ainsi que des adhérents du parti. Nous en avions fait une carte. On pouvait y voir que dans son fief, le sud-est, où Mme Rivasi possède de solides réseaux, l’élue européenne, députée de la Drôme de 1997 à 2002, a recruté des inscrits. Idem pour Yannick Jadot dans l’ouest, où il est élu au Parlement européen depuis 2009.

Franck : Est-ce le signal que les électeurs veulent moins de politique et plus d’écologie ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : C’est effectivement un signal. La « surprise » Michèle Rivasi, que peu de monde pensait voir figurer au second tour, traduit la volonté d’avoir une écologie politique plus proche des réseaux militants et associatifs. La députée européenne est reconnue pour ses combats contre le nucléaire, les lobbys ou encore la santé environnementale. C’est aussi ce qu’incarne Yannick Jadot, un ex de Greenpeace, spécialiste reconnu du climat et farouche opposant aux traités transatlantiques. Contrairement à Cécile Duflot, aucun des deux n’a dirigé le parti et n’a de compte à rendre sur le sujet. L’un et l’autre n’avaient d’ailleurs pas hésité critiquer l’ex-patronne des Verts pour ses années à la tête de la formation écolo.

EtienneO : Bonjour, quels sont les parcours respectifs de M. Jadot et Mme Rivasi ? Quels traits de caractère leurs accorderiez-vous respectivement ? Merci.

Raphaëlle Besse Desmoulières : Les deux finalistes de la primaire écolo ont des profils et parcours assez similaires. Je vous invite à les découvrir.

PaulGouzou : EELV ne se tire-t-il pas une balle dans le pied en éliminant une fois encore le candidat le plus charismatique ? Ne risque-t-on pas d’avoir un report de voix massif vers JL Mélenchon, qui a mis l’écologie au cœur de son programme et a les moyens de faire porter haut et fort son message ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : Militants et sympathisants n’ont effectivement pas été sensibles à l’argument de la notoriété et de l’expérience que l’équipe de Mme Duflot mettait en avant. Il est délicat de savoir ce que vont désormais faire les électeurs écolos. Ils pourraient se reporter sur Jean-Luc Mélenchon, qui a beaucoup verdi son programme ces dernières années et propose désormais la sortie du nucléaire avec la fermeture « immédiate » de la centrale de Fessenheim, l’arrêt du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, une agriculture bio… le tout au travers de la « planification écologique ». Les électeurs écolos pourraient être sensibles à ces propositions, mais des différences importantes subsistent sur l’exercice du pouvoir, l’Europe ou encore la « souveraineté populaire ».

Camille : Bonjour, Yannick Jadot se présentera-t-il vraiment à l’élection s’il gagne le second tour ? Il semble considérer qu’il vaut mieux zapper l’élection présidentielle et se consacrer sur les législatives quitte à négocier avec le PS.

Raphaëlle Besse Desmoulières : L’équipe de Cécile Duflot a effectivement émis des doutes sur le sujet que sont venues alimenter les déclarations du député européen sur la présence d’un candidat écologiste au second tour de la présidentielle. Ce dernier a répété hier qu’il irait au bout de sa candidature. « Je n’ai jamais rien négocié avec le PS, a-t-il affirmé. J’irai jusqu’au premier tour [de la présidentielle] et plus si affinités. »

Aktarus : Bonjour, merci pour toutes vos réponses. Quel avenir pour David Cormand ? Va-t-il rester à la tête des Verts malgré son soutien à Cécile Duflot ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : Pour David Cormand, qui avait pris position très tôt pour Cécile Duflot, c’est évidemment un cuisant échec. Mercredi soir, il ne semblait cependant pas envisager de quitter les fonctions qu’il occupe officiellement depuis juin. Ce qui déstabiliserait encore un peu plus un parti déjà extrêmement affaibli. Hier, il a indiqué qu’il ne donnerait pas de consigne de vote pour le second tour et que « le temps du rassemblement » était venu.

Toto : Yannick Jadot a-t-il vraiment une chance de réunir les 500 signatures ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : C’est la principale difficulté qui attend le vainqueur de la primaire d’EELV. Le risque existe tant le parti est aujourd’hui affaibli. Leur vivier d’élus a fondu comme neige au soleil et pas plus d’une centaine d’entre eux peut donner leur signature. Leurs forces militantes pour aller les chercher sont aussi maigres. Après, depuis 1974, les écologistes ont toujours réussi à les réunir. Mais ça pourrait être particulièrement douloureux cette année.