Une version imaginée de la NX, future Nintendo Switch. | guythefighter

Le projet « NX », annoncé en mars 2015, a désormais un nom commercial : depuis sa présentation en vidéo, le 20 octobre, on sait que la prochaine console de Nintendo s’appellera la « Switch ». Il aura fallu un an et demi au constructeur japonais pour dévoiler le concept, le design, et même le nom de sa prochaine machine. A titre de comparaison, il s’était écoulé deux mois entre l’annonce de la précédente console du constructeur, la Wii U, et sa présentation officielle au public. Quatre dans le cas de sa grande sœur, la Wii.

Des brevets comme autant de fausses pistes

Alors, nécessairement, pendant ces dix-neuf mois d’attente, le public, la presse et les informateurs plus ou moins bien renseignés s’en sont donnés à cœur joie. Les premiers contours de la Switch ont commencé à se dessiner en août 2015 : les utilisateurs du forum NeoGaf repèrent alors un brevet déposé par Nintendo qui fait état d’une manette qui disposerait de son propre écran, comme la Wii U, et surtout, de son propre processeur.

Illustration tirée d’un brevet  déposé par Nintendo en 2015. | US Patent & Trademark Office

Les conjectures vont bon train, mais les observateurs s’accordent sur un point : contrairement à la manette de la Wii U, celle de la future console de Nintendo devrait pouvoir fonctionner en toute autonomie, sans sa base. Et donc, être transportable ; voire portable. Le concept de console hybride « salon/portable » est né : l’annonce du 20 octobre est venue le confirmer.

Pour autant, les brevets sont loin d’être des sources systématiquement fiables. Ils témoignent, souvent, de la complexité du processus créatif, a fortiori dans un contexte industriel. Pour un brevet exploité, combien sont déposés, préventivement, avant de finalement finir au placard ?

A titre d’exemple, un brevet déposé par Nintendo en juillet 2015, quelques semaines après l’annonce de celle qu’on appelait encore « NX », faisait état de recherches concernant l’intégration, dans un périphérique comparable à une tablette ou à un smartphone, d’une caméra infrarouge capable de détecter les formes et les mouvements. La rumeur a affolé la Toile, mais sauf surprise, cette technologie ne sera pas exploitée par la Switch.

Illustration tirée d’un brevet déposé par Nintendo en 2015. | Nintendo

L’art du « off »

C’est l’autre principale source des rumeurs : les développeurs, ou partenaires, qui parlent trop, et notamment à la presse. Les professionnels liés de près ou de loin à l’élaboration d’un nouveau produit signent généralement un accord de non-divulgation très contraignant, qui permet théoriquement à leurs employeurs de se prémunir contre les fuites. Cela n’empêche pas certains, hors micro (on parle alors de « off ») de se confier aux médias. De rumeur, l’indiscrétion devient alors information.

On imagine que c’est ainsi que le très bien renseigné site Eurogamer a pu avancer, en juillet, que non seulement la future console de Nintendo pourrait se transformer en console portable, mais qu’elle sera également pourvue de contrôleurs détachables. Une information confirmée le 20 octobre par Nintendo : les modules « Joy-Con » peuvent être « clipsés » sur la console pour la transformer en machine portable, couplés pour former une manette classique, ou séparés pour devenir deux petits contrôleurs autonomes.

Le Wall Street Journal, en septembre, s’est lui aussi fait l’écho de sources apparemment bien informées, en annonçant que la future console de Nintendo bénéficierait bien d’un support cartouche, à l’image des consoles portables du constructeur. Une information validée par la vidéo d’annonce dévoilée depuis par Nintendo.

Le port cartouche de la Nintendo Switch, tel qu’il apparaît dans la vidéo d’annonce de la console. | Nintendo

Pourtant, on aurait tort de prendre sans pincettes tous les bruits de couloir. Début juin, le quotidien taïwanais Digitimes rapportait que si la console de Nintendo, prévue pour mars 2017, aurait initialement dû sortir cet été. Les raisons de cette sortie différée ? Selon Digitimes, ce serait la volonté, pour Nintendo, d’intégrer un périphérique de réalité virtuelle à sa future machine.

Pourtant, rien dans l’annonce du 20 octobre ne laisse à penser que c’est une voie que Nintendo entend explorer. Reginald Fils-Aime, président de la branche américaine de Nintendo, déclarait d’ailleurs, deux semaines après la naissance de cette rumeur, que la réalité virtuelle n’était pour le moment pas suffisamment entrée dans les mœurs pour que la société s’y intéresse.

La magie des rumeurs

Certaines de ces rumeurs, qui ont animé pendant un an et demi les forums spécialisés, dont le très fréquenté Neogaf, venaient aussi d’Europe et de France. Le site Gameblog avançait, une semaine avant l’annonce officielle de la Switch, une liste d’une dizaine de jeux selon lui prévu pour la console de Nintendo. Son rédacteur en chef, Julien Chièze, évoquait la sortie d’un nouvel épisode de Mario, des versions enrichies de Splatoon et de Mario Kart, ainsi que des collaborations avec les studios Ubisoft, Capcom, Square Enix et Platinium. Autant de « fuites » confirmées hier.

Un jeu « Super Mario » dévoilé lors de l’annonce de la Nintendo Switch | Nintendo

Nintendo n’a en revanche pas communiqué sur les autres rumeurs relayées par Gameblog, tel qu’un Mario Sport, une nouvelle version de Super Smash Bros, des productions Retro Studios, ou encore un jeu qui ferait se rencontrer l’univers du dinosaure Yoshi et celui des Lapins Crétins d’Ubisoft.

Des moments particuliers

C’est aussi la magie des rumeurs. Certaines peuvent être fondées sur le moment, sans pour autant se vérifier : les projets qui ne sont pas menés à leur terme sont monnaie courante dans l’industrie. A l’inverse, ceux qui propagent les rumeurs à la chaîne prennent rarement beaucoup de risques : il suffit qu’une seule se vérifie pour qu’on ne se souvienne plus que de celle-là.

A l’image des vues d’artiste de la console, postées par centaines ces derniers mois sur Twitter ou le forum NeoGaf. Dans le lot, certaines sont tellement proches de la vérité que c’en est forcément troublant.

D’autres en revanche sont déjà oubliées, alors qu’il y a quelques semaines encore elles étaient relayées par de nombreux sites d’information. C’est le cas de rumeurs nées sur des sites japonais, des forums chinois, ou des agrégateurs américains, qui s’apparentent clairement à des canulars.

Les rumeurs, c’est malheureusement tout ce sur quoi les joueurs vont pouvoir compter d’ici 2017 : d’après le Wall Street Journal, par qui les fuites sur le support cartouche de la future Switch sont arrivées, il n’y aurait plus aucune communication à attendre cette année de la part de Nintendo au sujet de la Switch.