Les œuvres ironiques de Takashi Murakami, la vie de Coluche, le groupe Deluxe en concert, les vélins du roi pour la première fois exposés, le retour d’Arnaud Desplechin en metteur en scène, Prokofiev à Lyon… voilà de quoi occuper largement votre week-end.

ARTS. Les images cruellement équivoques de Murakami à la galerie Perrotin, à Paris

Takashi Murakami à la galerie Perrotin à Paris. | 2015 TAKASHI MURAKAMI / KAIKAI KIKI CO., LTD. ALLRIGHTS RESERVED. / COURTESY GALERIE PERROTIN

C’est entendu : Takashi Murakami, exposé à la galerie Perrotin, à Paris, est un artiste à la mode. Sa réputation est soutenue par des collectionneurs internationaux de haute volée, il affiche ses collaborations avec les industries de la mode et les prix de ses œuvres sont follement élevés. Mais cet agacement n’empêche pas de constater que l’artiste japonais et son équipe excellent dans la fabrication d’images cruellement équivoques. Ils usent de matériaux luxueux : platine, or, argent, laques brillantes aux teintes exquises. Leur virtuosité technique est impeccable et les allusions aux estampes japonaises joliment introduites.

Mais que voit-on ? Des nuages de têtes de mort, des vieillards décrépis et haineux, des monstres abjects… Les harmonies visuelles sont aussi charmantes que les motifs sont désagréables. Et si Murakami était un maître du faux-semblant et du cynisme ? Et s’il était, sous ses oripeaux chatoyants de grand décorateur, un provocateur misanthrope ? Dans ce cas, il nous deviendrait éminemment sympathique et la présence dans son exposition de plusieurs hommages à Francis Bacon, dont un triptyque à la gloire de Lucian Freud sur fond d’or, se justifierait entièrement, comme un sommet d’ironie : une très sale blague faite au monde et au marché de l’art. Philippe Dagen

Galerie Perrotin, 76, rue de Turenne, Paris 3e. Tél. : 01-42-16-79-79. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 23 décembre.

EXPOSITION. Les mille et une vies de Coluche à la mairie de Paris

Affiche (détail) de l’exposition gratuite consacrée à Coluche à l’Hôtel de Ville de Paris. | MAIRIE DE PARIS

C’est la première fois qu’une rétrospective est dédiée à Coluche, mort le 19 juin 1986, il y a trente ans. Sa réalisation a été confiée à Fabienne Bilal, qui fut une amie de l’humoriste et comédien. Commissaire de l’exposition présentée à la mairie de Paris, elle a pu bénéficier de plusieurs centaines d’objets personnels de l’artiste dont sa fameuse salopette.

Sur deux étages enveloppés de noir, le visiteur suit les mille et une vies de Coluche : celle d’un petit banlieusard orphelin de père à l’âge de 3 ans qui n’oubliera jamais ses origines modestes, fâché avec l’école, qui fait les quatre cents coups à l’adolescence, enchaîne les petits boulots et sera sauvé par le music-hall.

C’est sur sa carrière solo, entamée dès 1974 sur scène, puis à la radio comme animateur jusqu’à l’annonce, en 1980, de sa candidature à l’élection présidentielle, que l’exposition s’attarde le plus. On découvre ses grands cahiers sur lesquels il notait, en utilisant des feutres de toutes les couleurs, les idées et les titres de ses sketches dans une mise en page enfantine. On revoit avec bonheur certaines de ses interventions tonitruantes à la télévision, on écoute avec un grand sourire ses impertinences radiophoniques et on redécouvre le boxon engendré par son engagement politique. Sandrine Blanchard

Hôtel de Ville de Paris, 5, rue de Lobau, Paris 4e. Tous les jours (sauf dimanches et jours fériés) de 10 heures à 18 h 30. Jusqu’au 7 janvier 2017. Entrée gratuite.

CONCERT. Le groupe Deluxe au Zénith de Paris, le 22 octobre

Deluxe - My Game (OFFICIAL VIDEO)
Durée : 04:28

Formé à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), en 2007, d’abord actif dans les arts de la rue, le groupe Deluxe est devenu l’une des sensations scéniques les plus enthousiasmantes avec une musique qui mêle le funk, la pop, la soul, le rap, le reggae et grosso modo tout genre qui peut amener à faire bouger le corps. Avec une utilisation fine des sons des musiques électroniques, du rap (le scratch, le débit vocal sur certaines compositions), une rythmique fluide, l’accentuation en avant, qui sait mettre du swing dans le jeu, des accroches funky à la guitare, des interventions choisies au saxophone.

Les cinq garçons à moustache, leur emblème, en décor lumineux de fond de scène, et la chanteuse Liliboy, étaient à L’Olympia, le 19 novembre 2015, avec en amis invités Akhenaton et Shurik’n du groupe IAM et -M-. Ce concert a été enregistré et filmé et est publié ce vendredi 21 octobre sous le nom Deluxe Live, avec 2 CD et 1 DVD, une pochette cartonnée, un livret avec photographies et textes des chansons (Nanana Productions/Chinese Man Records).

Une sortie qui sera fêtée à un haut degré d’énergie lors du concert du groupe au Zénith de Paris samedi 22 octobre. Avec -M- et une petite formation additionnelle pour l’occasion et, en première partie, le groupe ASM-A State of Mind. Sylvain Siclier

Zénith de Paris, parc de La Villette, accès au 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Mo Porte-de-Pantin. Samedi 22 octobre, à 19 heures. Tarif : 29,90 €.

EXPOSITION. Les fragiles vélins du roi au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris

« Félis Tigris, le tigre mâle », peint à l’aquarelle en 1793-1794, par Léon de Wailly. | © MNHN, DIST. RMN / TONY QUERREC

C’est la première fois que sont dévoilés les plus beaux des vélins de l’ancienne collection royale française, initiée par Gaston d’Orléans, le frère de Louis XIII. Ces parchemins de veau représentent les raretés botaniques et zoologiques rapportées, au fil des grandes expéditions maritimes et terrestres des XVIIe au XIXe siècles financées par la couronne.

Pour garder le souvenir de ces spécimens, orgueil de la ménagerie comme du jardin du roi, le vélin permettait une minutie d’exécution inégalée et conservait intactes les couleurs. Sur les 7 000 pièces de cette collection nationalisée à la Révolution française, une centaine de vélins est exposée, en trois lots d’un mois chacun, temps d’exposition maximum à la lumière de ce support ultra-fragile. L’exposition, qui a lieu dans le cabinet d’histoire du Muséum national d’histoire naturelle, donne aussi l’occasion de visiter les grandes serres du jardin des Plantes à Paris, récemment rénovées. Florence Evin

« Précieux vélins. Trois siècles d’illustration naturaliste ». Cabinet d’histoire du Jardin des plantes, 57, rue Cuvier, Paris 5e. Jusqu’au 2 janvier 2017. Tous les jours de 10 heures à 18 heures. Tarif : 3 €.

THÉÂTRE. « Père », par Arnaud Desplechin, de retour à la Comédie-Française, à Paris

« Père », de Strindberg mis en scène par Arnaud Desplechin à la Comédie-Française à Paris. | FRANÇOIS GUILLOT / AFP

Avec Père, de Strindberg, qui avait fait l’ouverture, en septembre 2015, de la première saison programmée par le nouvel administrateur, Eric Ruf, et qui revient à l’affiche jusqu’au 4 décembre, Arnaud Desplechin montre comment théâtre et cinéma peuvent aller main dans la main, et s’offrir l’un à l’autre en cadeau. Son spectacle est magnifique. Il rend hommage à la fois à August Strindberg, à Ingmar Bergman et aux acteurs.

Il suffit parfois de pas grand-chose pour déplacer le regard et faire apparaître une pièce sous un autre jour. Avec Arnaud Desplechin, qui signe ici sa première mise en scène au théâtre, ce pas grand-chose s’appelle la simplicité. Une simplicité née du choix d’une traduction, la plus inexorable, celle d’Arthur Adamov, et d’une lecture intime de la pièce.

On sait le goût du réalisateur de Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) pour les conflits entre hommes et femmes. Avec Père, il est au cœur du sujet. Et quelle distribution ! Anne Kessler et Michel Vuillermoz, elle blonde et fine, lui brun et fort, forment indéniablement un couple de scène, et le couple de Père. Claire de La Rüe du Can s’affirme en Bertha, leur fille, et Thierry Hancisse, le Pasteur, montre une nouvelle fois toute sa finesse. Brigitte Salino

Comédie-Française, place Colette, Paris 1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Jusqu’au 4 décembre. Tarifs : de 6 € à 42 €.

OPÉRA. « L’Ange de feu » ensorcelant, de Prokofiev, à l’Opéra de Lyon

« L’Ange de feu », de Prokofiev à l’Opéra de Lyon. | JEAN-PIERRE MAURIN

Ouverture de saison coup de poing à l’Opéra de Lyon, qui présente le rare Ange de feu, de Sergei Prokofiev. Une musique d’une densité extrême, un livret foisonnant, des interprètes poussés à l’extrême d’eux-mêmes, pour aborder le thème de la possession.

Renata a été visitée dès l’enfance par un « ange de feu ». Devenue adulte, elle croit le reconnaître en la figure du comte Heinrich, dont elle tombe amoureuse. Celui-ci finira par disparaître. Lancée à sa recherche, la jeune femme contraindra son chevalier servant, Ruprecht, à user de tous les expédients pour le retrouver.

La soprano lituanienne Ausrine Stundyte (la Lady Macbeth de Mzensk, de Chostakovitch, donnée en janvier sur cette même scène lyonnaise), porte magnifiquement le rôle écrasant de Renata. A ses côtés, le Ruprecht saisissant de Laurent Naouri. Plateau vocal sans reproche, direction alchimiste de Kazushi Ono, chœurs superbes : la production du metteur en scène australien Benedict Andrews a pris avec intelligence le parti psychologique des personnages contre le spectaculaire des situations. Marie-Aude Roux

Opéra de Lyon. Jusqu’au 23 octobre. Tarifs : de 10 € à 94 €.

THÉÂTRE. « Bigre », un mélo burlesque au Théâtre Tristan Bernard, à Paris

Le spectacle « Bigre » lors de sa création au Quartz à Brest, le 2 juin 2014. | PASCAL PÉRENNEC

Il faut courir au Théâtre Tristan Bernard, à Paris, voir Bigre, qui a déjà fait la joie des spectateurs du Théâtre du Rond-Point, au début de l’année. Pierre Guillois, un drôle de zig qui s’est obstiné à n’entrer dans aucune case, y met à sa manière ses pas dans ceux des défunts Deschiens. Dans trois petites chambres de bonne, il met en scène deux hommes, une femme, et trois solitudes. Dans Bigre, la vie est un parcours du combattant, pour assurer ses fonctions essentielles : dormir, manger, se laver et… s’aimer. C’est drôle, bien sûr, mais pas seulement, tant la poésie déglinguée de ce spectacle suscite d’émotion. Fabienne Darge

Théâtre Tristan Bernard, 64, rue du Rocher, Paris 8e. Mo Saint-Lazare. Tél. : 01-45-22-08-40. Vendredi et samedi à 20 h 30. Tarifs : de 11 € à 39 €.

ONE-MAN-SHOW. Le rire monstre de Bruno Salomone au Petit Montparnasse, à Paris

Bruno SALOMONE - EUPHORIQUE - Bande annonce
Durée : 00:28

C’est l’histoire d’un spectacle pas comme les autres, d’un seul en scène où le comédien ne raconte ni sa vie, ni sa vision de l’actualité. Dans le maelström des stand-up et autres one-man-show à sketches, Bruno Salomone se démarque avec talent en créant l’homme qui rit, freak des temps modernes.

Au Théâtre du Petit Montparnasse, il se fait narrateur multiple et interprète protéiforme d’un conte moderne et fantastique intitulé Euphorique C’est l’histoire de Golri, l’enfant qui rit depuis sa naissance. Quoi qu’il arrive, Golri rigole. Et ce syndrome d’euphorie permanente va le mener dans une drôle de vie. Proche de l’enfer. De sa conception à l’âge adulte, Golri, abandonné puis adopté, sera, tour à tour, phénomène de foire, star, bouc émissaire.

A la fois homme-orchestre et pitre formidable, Bruno Salomone se glisse dans la peau de tous ceux qui vont croiser l’itinéraire de Golri. Il se fond avec brio dans des dizaines de personnages hauts en couleur, prenant un plaisir fou et communicatif à nous entraîner dans le tourbillon de cette histoire insensée. Créé et mis en scène avec la collaboration du scénariste Gabor Rassov, ce récit atypique à l’écriture enlevée se moque, en filigrane, des tares de notre époque. S. Bl.

Théâtre du Petit Montparnasse, 31, rue de la Gaîté, Paris 14e. Vendredi à 21 heures, samedi à 16 heures et 21 heures. Tarifs : de 27 € à 38,5 €.