Une des plus importantes centrales thermiques EDF de France, fonctionnant au charbon, en décembre 2005 au Havre. | MYCHELE DANIAU / AFP

Le gouvernement a renoncé à taxer dès l’an prochain la production d’électricité à partir de charbon, une mesure qui aurait précipité la fin programmée des centrales à charbon françaises, au grand dam d’ONG qui y voient un mauvais signal environnemental à l’approche de la COP22.

Lors de la conférence environnementale, en avril, François Hollande avait annoncé l’instauration unilatérale par la France d’un prix plancher de la tonne de carbone dans le secteur de la production électrique. Concrètement, il s’agissait de surtaxer le courant produit par les centrales alimentées en énergies fossiles (charbon, fioul et gaz), afin d’encourager la production d’électricité à base de sources renouvelables (éolien, solaire...).

Quelques mois plus tard, la ministre de l’environnement et de l’énergie, Ségolène Royal, avait annoncé que ce « prix plancher » serait limité aux seules centrales à charbon, les plus polluantes des centrales thermiques. La mesure devait être intégrée au projet de budget pour 2017, sous la forme d’un amendement.

Pourtant, à quelques semaines de la conférence de l’ONU sur le climat, en novembre à Marrakech, le gouvernement a opéré un revirement, à la suite des manifestations organisées jeudi par la CGT dans plusieurs villes menacées par les fermetures de centrale. Lors des débats sur la loi de finances à l’Assemblée, le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, évoquant « l’émoi considérable » dans plusieurs régions, a assuré dans la nuit de jeudi à vendredi que cette question du prix du charbon allait être gérée « dans le temps ». Dans la foulée, l’amendement a été abandonné.

« Etalement dans le temps »

Le secrétaire d’Etat, qui a évoqué un « étalement dans le temps » des dispositions menant à un prix plancher du carbone, a souligné que la programmation pluriannuelle de l’énergie prévoyait « au plus tard en 2023 de mettre fin à ces centrales ». La mesure n’est pas abandonnée et sera abordée dans un cadre européen, assure-t-on au ministère de l’environnement.

« L’importance de donner un prix au carbone pour orienter dans la durée les investissements vers les énergies bas carbone reste un des axes de la loi sur la transition énergétique », rappelle-t-on au ministère, soulignant que « la France a déjà une tarification carbone incluse dans sa fiscalité énergétique, et il y a des travaux européens sur les marchés carbone ».

La CGT, selon laquelle cette surtaxe aurait entraîné la fermeture dans les deux ans à venir des dernières centrales à charbon françaises, et la suppression de 5 000 emplois directs et indirects, voit dans cette nouvelle « un bon début, mais on sera vigilant sur l’étalement dans le temps évoqué par M. Eckert », selon Loïc Delpech, de la fédération mines énergie.

« Un coup à la crédibilité de la France »

Les ONG, elles, n’ont pas caché leur déception. « L’abandon de cette mesure porterait un coup à la crédibilité de la France alors que l’accord de Paris entre en vigueur le 4 novembre et que va s’ouvrir la COP22 », selon Célia Gautier, porte-parole du Réseau action climat. « Renoncer aujourd’hui et reporter ça à plus tard, ce n’est clairement pas dans l’esprit de l’accord de Paris », a renchéri Denis Voisin, de la Fondation Nicolas-Hulot.

Supplanté par l’atome, le charbon ne joue plus qu’un rôle mineur dans le système électrique français, le pays ne comptant que quatre centrales fonctionnant avec cette énergie. Deux sont exploitées par EDF (Cordemais, en Loire-Atlantique, et Le Havre, en Seine-Maritime), et deux autres par l’allemand Uniper (Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, et Saint-Avold, dans la Moselle). Mais ces installations contribuent à sécuriser l’approvisionnement énergétique en cas de pics de consommation d’électricité.