Les enseignants s’inquiètent des tensions suscitées par les propos du candidat républicain dans les écoles. | 2016 CQ-Roll Call, Inc.

En temps normal, les sujets et les débats qui rythment une campagne présidentielle américaine fournissent aux enseignants et aux familles un matériel pédagogique solide pour une instruction civique grand format. Mais la campagne 2016 est tout sauf normale. Dominée par les outrances verbales, les attaques tous azimuts du candidat républicain et la libération de la parole raciste et sexiste, elle n’aura pas cette vertu.

Michelle Obama, mère de famille modèle, au firmament dans les sondages, a exprimé publiquement une inquiétude partagée par de nombreux parents et enseignants. Jeudi 13 octobre, lors d’un meeting de soutien à Hillary Clinton, et évoquant les propos obscènes de Donald Trump, qui assurait dans une conversation de 2005 que sa position d’homme riche et célèbre l’autorisait à « tout faire aux femmes » y compris « les saisir par la chatte », la première dame des États-Unis s’est inquiétée de voir « nos enfants entendre ce genre de chose quand on allume la télé ». « La semaine dernière, nous avons vu un candidat à l’élection présidentielle se vanter d’avoir agressé des femmes. Je ne peux même pas croire que je suis en train de dire ça ! », a-t-elle témoigné avec effarement.

Les enseignants ont du mal à rester impartiaux

Ce moment particulier de la vie politique américaine pourrait même avoir des effets désastreux sur les plus jeunes consciences, à en croire la National Education Association (NEA), la principale association d’enseignants, qui a récemment mis en garde contre « l’effet Trump » sur les élèves. Dans le Montana, des lycéens sont arrivés en cours arborant un tee-shirt où il était inscrit : « Fierté blanche, Trump 2016 ». Du jamais-vu.

Des jeunes ont été surpris à entonner le refrain bien rodé dans les meetings de Trump : « Construisons un mur » (contre l’immigration mexicaine) pour chasser du terrain de sport des enfants d’origine hispanique. De jeunes musulmans ont, quant à eux, fait part de leur crainte d’être « déportés », après les menaces du candidat républicain d’interdire l’entrée des États-Unis aux musulmans.

« Ce climat provoque un niveau alarmant d’angoisse et de peur parmi les enfants d’immigrés latinos et noirs. » Maureen Costello, auteure d’un rapport sur l’« effet Trump »

« Les enfants ont l’impression qu’ils peuvent répéter tout ce qui sort de la bouche de Donald Trump », s’est récemment inquiété Lily Eskelsen García, présidente de la NEA. « Ce climat provoque un niveau alarmant d’angoisse et de peur parmi les enfants d’immigrés et de couleur [latinos et noirs] et rallume des tensions raciales dans les classes », insistait aussi Maureen Costello, auteure d’un rapport sur « l’effet Trump » dans les écoles, publié en avril par le Southern Poverty Law Center.

La campagne actuelle place aussi plusieurs enseignants face à un dilemme : contraints par leur statut à la neutralité politique, certains assurent, cette fois, avoir du mal à cacher leur désapprobation face aux déclarations incendiaires du candidat républicain. Ouvertement ralliée à Hillary Clinton, la NEA vient, elle, d’annoncer le lancement d’une campagne de publicité attribuant au comportement de Trump les peurs et les tensions observées chez les enfants à travers le pays. Pas sûr que cela soulage les parents d’une de leurs préoccupations du moment : expliquer à leurs enfants pourquoi Donald Trump parle des femmes de façon dégradante.