Une pancarte contre le traité brandie lors d’une manifestation devant le Parlement européen, à Bruxelles, le 20 septembre. | JOHN THYS / AFP

L’avenir du traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada est en suspens. Les négociations de la dernière chance ont échoué entre la Wallonie, région francophone de Belgique, hostile à l’accord en l’état, et Ottawa, déçu des atermoiements européens. La signature de ce traité par les 28 pays de l’UE et le Canada était théoriquement prévue pour le 27 octobre à Bruxelles.

  • Qu’est-ce que ce traité ?

Le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou accord économique et commercial global) est un accord commercial « de nouvelle génération ». Cela signifie qu’il ne se contentera pas de réduire les droits de douane entre l’UE et le Canada. L’objectif est aussi d’aboutir à une convergence de certaines normes pour limiter ce que les libre-échangistes appellent les « barrières non tarifaires » au commerce. L’ambition est de réduire de 36 % à 3 % la part des exportations européennes soumises à de tels obstacles.

Ce traité contient notamment des accords concernant les droits de douane, les marchés publics, la mobilité professionnelle, l’environnement ou encore l’agriculture.

  • Pourquoi la Wallonie n’en veut-elle pas ?

La Wallonie, région francophone du sud de la Belgique, est hostile à cet accord en l’état et bloque l’ensemble des négociations entre l’Union européenne et le Canada. La Wallonie (3,6 millions d’habitants) réclame plus de garanties, notamment en matière de protection de ses agriculteurs et face aux puissantes multinationales.

Cette région voit également dans le CETA, qui concerne plus de 500 millions d’Européens, les prémices du TTIP (ou Tafta). Ce traité, encore plus controversé, est négocié très laborieusement par l’UE avec les Etats-Unis.

  • Que s’est-il passé vendredi ?

Vendredi 21 octobre, la surprise est venue des Canadiens. Chrystia Freeland, ministre du commerce international du Canada, était cette semaine à Namur, capitale de la Wallonie, pour tenter d’aplanir les derniers différends.

Au terme de cette visite, vendredi soir, elle a quitté en pleurs le siège du gouvernement wallon et acté « la fin et l’échec » de la négociation sur le projet de traité.

« Il semble évident pour moi, pour le Canada, que l’Union européenne n’est pas capable maintenant d’avoir un accord international, même avec un pays qui a des valeurs aussi européennes que le Canada. »
  • Un accord reste-t-il possible ?

Samedi, Mme Freeland a appelé l’Union européenne « à finir son job », rappelant que son pays était prêt à signer un accord. « Le Canada a fait son travail, la balle est dans le camp de l’Europe », a-t-elle dit en anglais et en français à l’issue d’une rencontre avec Martin Schulz, président du Parlement européen.

« Nous sommes prêts à signer le CETA et nous continuons à espérer qu’il sera possible de signer le CETA le 27 octobre », a dit avec insistance Mme Freeland. Elle a précisé qu’elle quittait la Belgique samedi matin pour rejoindre Toronto.

« J’espère vraiment que les Européens vont parvenir à aboutir et que je pourrai revenir ici dans quelques jours avec mon Premier ministre [Justin Trudeau] pour signer l’accord. »

M. Schulz a dit que le sommet prévu pour jeudi avec le Canada restait au programme. « Les problèmes sont sur la table des Européens et nous devons essayer de les régler, a-t-il déclaré. Cette rencontre a été très constructive et sera peut-être décisive. Je reste optimiste. » Il s’exprimait tour à tour en anglais, en français et en allemand. M. Schulz doit s’entretenir avec Paul Magnette, chef du gouvernement de Wallonie.

Tous deux appartiennent à la même famille politique, le premier étant social-démocrate et le second membre du Parti socialiste belge. Dans une interview vendredi soir, M. Magnette regrettait « l’interruption » des négociations ; il estimait qu’un accord est toujours possible et que la Commission européenne doit reprendre l’initiative sur ce dossier.

« J’ai expliqué que la démocratie, ça prend du temps. »
  • Et si l’accord est signé ?

Le Parlement européen n’a pas de mandat pour négocier les traités commerciaux de l’UE, car c’est du ressort de la Commission européenne, l’exécutif européen. Il doit toutefois donner son feu vert à la fin du processus.

Si l’accord est signé comme prévu le 27 octobre à Bruxelles entre les Vingt-Huit et le Canada, les députés européens devront donc se prononcer sur le texte, ce qui devrait avoir lieu soit à la fin de l’année, soit au début de l’année prochaine. Et comme le CETA touche à la fois aux compétences de l’UE et à celles des Etats membres, la ratification ne sera terminée qu’après l’approbation des Parlements nationaux et régionaux de l’UE (dont l’Assemblée nationale et le Sénat en France).

CETA : quelles suites pour l’accord commercial entre l’Europe et le Canada ?
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