Lina Álvarez, 62 ans, mère célibataire, est ici enceinte de son troisième enfant. Elle avait déjà eu recours à la PMA à 50 ans passés. | Eliseo Trigo/EFE

Le 11 octobre, dans une clinique de Galice, dans le nord de l’Espagne, Lina Álvarez, 62 ans, a donné naissance à une petite fille. Vingt ans après sa ménopause, elle a réalisé son « rêve » grâce à un don d’ovule et de spermatozoïdes. Médecin, déjà mère célibataire de deux enfants, cette fervente catholique était l’invitée ces dernières semaines de toutes les chaînes de radio et de télévision du pays pour raconter ce qu’elle qualifie de « miracle ». Un paradoxe quand on connaît le rejet officiel de l’Église envers la procréation assistée. En Espagne, où il n’existe pas d’âge limite légal pour se soumettre à un traitement de fertilité, cette grossesse a indigné une grande partie de la société. Et a été perçue comme une « dérive » du système espagnol de procréation médicalement assistée par les nombreux médecins, convoqués sur les plateaux et les ondes pour donner leur avis.

Le paradis européen des fécondations in vitro

À défaut de cadre légal, la Commission nationale pour la reproduction assistée fixe à plus ou moins 50 ans l’âge maximal recommandé aux gynécologues pour procéder à l’insémination artificielle. Elle est ouverte à tous, quel que soit l’état civil ou l’orientation sexuelle. « Permissive » pour les uns, « libérale » pour les autres, la loi approuvée en 2006 sous le gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero a déjà transformé de fait le pays en paradis européen des fécondations in vitro (FIV). C’est ce qui explique que tant de Françaises traversent les Pyrénées pour suivre des traitements de fertilité, souvent dans des cliniques catalanes qui se sont fait une spécialité d’attirer l’attention des étrangers. Une situation qui a fini par être acceptée par une société se définissant encore à 74 % comme « catholique », mais où le recul de l’âge de la maternité (30,6 ans en moyenne pour un premier enfant) a banalisé les FIV.

Mais qu’une femme de 62 ans parvienne à trouver un gynécologue disposé à accéder à sa requête a mis en émoi à la fois la société, qui s’inquiète de l’avenir du nouveau-né, et la communauté scientifique, qui craint que de tels excès ne provoquent une remise en cause d’un système fondé sur la confiance de l’administration envers les critères médicaux des professionnels de santé. La Société espagnole de fertilité a ainsi rappelé que les traitements ne doivent en aucun cas mettre en danger la vie de la mère ni celle du bébé. Or à l’âge de Lina Álvarez, les complications durant la grossesse ou après l’accouchement peuvent être très graves : prééclampsie, accouchement prématuré, hémorragies post-partum, entre autres.

À voir, Lina Alvarez à sa sortie de la maternité (espagnol)

Spanish woman Lina Alvarez gives birth at 62
Durée : 00:40

Pour trouver un médecin prêt à satisfaire sa demande, Lina Álvarez, déjà mère d’un jeune homme de 27 ans atteint d’une paralysie cérébrale et d’un garçon de 11 ans, né aussi après avoir eu recours à la procréation assistée, a d’ailleurs reconnu qu’elle a écumé pendant près de huit ans les cliniques du pays. En vain. C’est finalement sur Internet qu’elle a trouvé un gynécologue d’une clinique madrilène disposé à la soumettre à un traitement de fertilité. Ce dernier refuse qu’elle dévoile son nom…

Le débat a par ailleurs divisé les féministes, entre celles qui rappellent que personne n’est choqué quand un homme de 62 ans devient père et celles qui considèrent que cette décision ne prend pas en compte le bien-être des enfants. Le pays a encore en mémoire l’histoire d’une Espagnole de 67 ans qui avait donné naissance à des jumeaux en 2007. Pour cela, elle avait dû se rendre dans une clinique des États-Unis et mentir sur son âge. Deux ans plus tard, elle était décédée d’un cancer.