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A Angers, la révolution des études de médecine est en route. « Nous avons changé de logiciel. On ne reviendra pas en arrière, c’est le sens de l’histoire », promet le président de l’université, Christian Roblédo. Sa faculté expérimente pour la deuxième année le système Pluripass, qui a remplacé la redoutée PACES (la Première année commune aux études de santé) et son numerus clausus, qui promettait l’échec à 80 % des candidats. Dorénavant, les étudiants n’ayant pas réussi leur année pourront rebondir plus facilement vers d’autres filières.

Véritable épouvantail des études supérieures, la PACES laissait en effet sur le carreau la majorité des recalés. A Angers, seuls 10 % d’entre eux étaient ainsi admis en licence 2 ; les autres, pour la plupart, perdaient au moins un an d’études. Malgré quelques couacs de mise en route, le premier bilan de Pluripass est nettement positif : 72 % des 1 100 étudiants ayant passé l’ensemble des examens ont validé leur année. Parmi les 600 étudiants qui n’ont pas obtenu de place en médecine, pharmacie ou dentaire, près de 200 ont fait le choix de se réorienter immédiatement, dont la moitié vers une autre licence universitaire.

Un semestre de repêchage

A ce cursus plus diversifié, Pluripass ajoute une autre nouveauté : la fin du redoublement, remplacé par la possibilité, pour retenter le concours, de rejoindre le semestre 3. Une entité créée afin de « rattraper » les étudiants qui auraient échoué en première année. Ainsi, si 75 % des 325 places du numerus clausus sont distribuées à l’issue de la première année d’études, 25 % le sont après ce troisième semestre qui réunit, pour sa première année d’existence à la rentrée 2016, 360 étudiants. S’ils échouent de nouveau au concours de médecine, ces derniers auront accès directement à un quatrième semestre, aménagé pour leur permettre de rejoindre ensuite une troisième année de licence de leur choix, en sciences, en écoles d’ingénieurs (150 places leur sont réservées par des établissements partenaires) mais aussi en droit, économie, psychologie… A cette fin, ont été adjoints aux matières « classantes » des enseignements en sciences humaines étoffés et un bloc d’enseignements transversaux (anglais, numérique, option, projet professionnel), dispensés principalement à distance.

« C’est rassurant de se dire qu’on ne devra pas repartir à zéro après deux ans d’études », se réjouit Chloé Dupuis, pionnière du dispositif. « La réorientation était vraiment vécue de manière traumatique », confirme Léo Bove, président de l’association angevine du tutorat. L’université d’Angers a donc inventé ce cursus qui fait figure d’ovni dans le paysage des études de santé : « Un parcours pluridisciplinaire avec une pluralité de devenirs possibles, dont l’admission en filières de santé », résume Isabelle Richard, doyenne de la faculté de santé.

Ce changement radical a été la principale source de difficulté de la réforme, donnant même lieu à une fronde des étudiants, qui estimaient injuste que les primo-entrants se retrouvent en compétition avec les derniers « doublants ». « Nous avons essuyé les plâtres », dénonce Chloé Dupuis, 19 ans. Plus d’une centaine d’étudiants ont d’ailleurs choisi de se désinscrire l’an passé.

Un examen à l’oral

La révolution « Pluripass » a débuté par la suppression du traditionnel concours. Si le numerus clausus reste le même – 325 places ouvertes pour 900 inscrits –, les deux sessions « couperets » de fin de semestre, destinées à classer les candidats, ont laissé la place à cinq évaluations réparties sur l’année. Une manière de permettre à chacun de se situer par rapport aux autres au plus tôt, afin d’évaluer ses chances et de réfléchir à son orientation le cas échéant.

D’autres spécificités de ce système ont pu faire peur, comme l’apparition d’une évaluation à l’oral, inédite dans ce monde gouverné par les QCM (questionnaires à choix multiples) et autres QROC (question à réponse ouverte courte). Une première moitié d’étudiants a été sélectionnée uniquement sur ses résultats à l’écrit, tandis que l’autre est passée par un oral. « Ces oraux se sont très bien passés, se réjouit la doyenne. 20 % des étudiants reçus in fine l’ont été grâce à l’oral, qui est selon nous un mode d’évaluation tout à fait pertinent pour des jeunes qui se destinent aux métiers de la santé. »

Derrière ces évolutions des concours des filières « santé », qui concentrent toutes les attentions des étudiants, c’est une réforme d’une tout autre ampleur que réalise Pluripass. Cette remise à plat doit en effet permettre de mettre fin à l’échec programmé de centaines d’étudiants. « Il y aura toujours autant de déçus, résume la doyenne. Mais il ne s’agira plus d’étudiants en échec car ils pourront désormais poursuivre normalement leurs études, sans perdre d’années. »

Cité en exemple

Cette ouverture se fait néanmoins parfois à contrecœur pour les étudiants obnubilés par la réussite aux concours. « Nous avons des emplois du temps ultra-chargés, avec moins de temps pour travailler à côté », souligne Philippine, étudiante en première année. Le nombre d’heures de cours est passé d’environ vingt heures à vingt-cinq heures hebdomadaires. Dans leur module de « projet professionnel », les étudiants sont même obligés de bûcher sur deux projets, l’un en filière santé, l’autre en dehors. « Ce n’est pas facile car on nous demande de penser à notre échec, sourit Philippine, qui rêve de chirurgie et d’obstétrique. Mais c’est bien de nous forcer un peu. »

Ils pourraient ne pas être les seuls à devoir entrer dans ce nouveau paradigme. Une seconde vague d’expérimentations doit être lancée dans les semaines qui viennent, tandis que le cas angevin est régulièrement cité en exemple par le ministère de l’enseignement supérieur. 

Mais il reste une problématique économique : la PACES demeure une année bien moins chère à mettre en œuvre. Pluripass a en effet nécessité la création d’une dizaine de postes dans les différentes composantes de l’université. Avec un soutien des collectivités locales de 500 000 euros pour cette phase d’amorçage. « Ce n’est pas tenable à diffuser sans moyens », reconnaît Jean-Paul Saint-André, ancien président de l’université, auteur d’un rapport sur les expérimentations. Il insiste : la rentabilité, à l’arrivée, en économisant des années de redoublement et en mettant fin à la casse sociale de l’échec en PACES, sera au rendez-vous.