Sur le site du crash d’un avion dans lequel sont morts trois personnels de la DGSE, à Malte, le 24 octobre. | Matthew Mirabelli / AFP

Un avion ALSR (avion léger de surveillance et de reconnaissance), loué par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à la société CAE aviation, s’est écrasé, lundi 24 octobre au matin, à Malte, juste après le décollage. Les cinq occupants, trois personnels de la direction technique de la DGSE et deux pilotes de CAE, sont morts dans l’embrasement de l’appareil, après avoir tenté, en vain, de revenir vers l’aéroport.

Les autorités maltaises pensaient qu’il s’agissait d’un aéronef utilisé, depuis cinq mois, par les douanes françaises « pour surveiller les trafics ». Mais le ministère de la défense français a dû finir par reconnaître, laconique, que l’avion « effectuait des missions de reconnaissance en Méditerranée » et que trois victimes appartenaient à son effectif. Selon CAE, les pilotes étaient « expérimentés » et « aucun incident technique n’avait été signalé ».

Accroître la souveraineté française

Avant même de connaître les causes du drame, qui vient s’ajouter à la perte de trois hommes de la DGSE dans un crash d’hélicoptère dans l’est de la Libye, en juillet, cet accident lève un peu le voile sur les moyens utilisés par les services secrets français. Malte, situé non loin des côtes libyennes, sert de base pour leurs avions de surveillance visant la Libye et le Sahel. On découvre également que la DGSE loue ses avions auprès d’une société privée étrangère, luxembourgeoise, qui lui fournit, de plus, les outils de surveillance nécessaires pour intercepter toute forme de communication et filmer tout mouvement au sol, de jour comme de nuit.

L’évocation publique du rôle des ALSR dans les guerres secrètes de la France a, enfin, ravivé les souvenirs de différends récents au ministère de la défense. Début 2016, un contentieux l’a opposé à la DGSE sur la question du recours aux appareils de CAE aviation. La DGSE venait alors brutalement de sortir d’un appel d’offres conjoint lancé, au printemps 2015, avec la Direction générale de l’armement (DGA), pour l’achat de trois ALSR.

L’idée était de fournir deux avions à la Direction du renseignement militaire (DRM) et un à la DGSE, pour 30 millions d’euros l’unité. Inscrite dans la loi de programmation militaire 2014-2019, cette acquisition devait réduire les coûts en mutualisant les dépenses et accroître la souveraineté française. La DRM et la DGSE louent, actuellement, neuf avions de ce type, dont une bonne part à CAE aviation et à Air Attack.

Liens anciens entre la DGSE et CAE

L’autre argument, alors soulevé par la DGA, et qui résonne lourdement après cet accident, portait sur la qualité de la maintenance des avions de CAE et donc de la sécurité des personnels. Rien ne permet de savoir s’il s’agissait d’un dénigrement commercial sans fondement ou d’une affirmation étayée. CAE est le deuxième opérateur mondial pour ce type de services et compte parmi ses clients l’OTAN ou l’Union européenne.

La DGSE avançait, elle, que la durée d’amortissement des matériels de surveillance fixée par la DGA était trop longue au regard du rythme de leur obsolescence. Par ailleurs, le lien entre CAE et la DGSE est ancien. Le fondateur de la société luxembourgeoise, Bernard Zeler, ne fait pas que louer ses avions, il emploie aussi nombre d’anciens membres et gère, depuis 2013, à Lapalisse (Allier), le premier centre européen de chute libre réservé aux militaires et aux services de renseignement. L’accident de Malte ne manquera sans doute pas de raviver les tensions entre la défense et la DGSE.