Cyrus Mistry l’ex-PDG du groupe indien Tata, le 24 août 2016. | DIBYANGSHU SARKAR / AFP

C’est une mise à la porte comme le conglomérat Indien Tata n’en a jamais connu dans sa longue histoire. Le groupe qui pèse 103 milliards de dollars (95 milliards d’euros) a annoncé, lundi 24 octobre, le départ de son PDG, Cyrus Mistry, quatre ans après sa nomination, par un communiqué laconique. Les « principaux actionnaires » ont pris la décision de renvoyer M. Mistry « dans leur sagesse collective » et « dans les intérêts à long terme du groupe Tata et de la holding Tata Sons », peut-on y lire.

Ce renvoi, dans un groupe qui tout au long de son histoire vieille de 148 ans, n’a connu que des successions en douceur, n’« est pas seulement hors de l’ordinaire mais également mystérieux » note le quotidien The Hindu dans son éditorial du 25 octobre. Cyrus Mistry est remplacé à titre provisoire par l’industriel Ratan Tata, 78 ans, l’héritier de la dynastie familiale auquel il avait succédé en décembre 2012. C’était alors la première fois qu’un dirigeant était nommé à la tête du groupe, sans appartenir à la famille Tata, même s’il en est proche.

La sœur de Cyrus Mistry est mariée à Noel Tata, demi-frère de Ratan Tata. Depuis ce renversement d’un dirigeant à la tête d’un groupe iconique en Inde, les médias Indiens suivent heure par heure les dernières nouvelles comme si un coup d’Etat venait de secouer Bombay, la capitale financière de l’Inde. Après la diffusion du communiqué annonçant le départ de Cyrus Mistry, Ratan Tata aurait demandé aux dirigeants du groupe de continuer leur travail comme à leur habitude, tout en invoquant les « intérêts à long terme » du groupe.

70 % du chiffre d’affaires provient de l’étranger

Les performances de ces dernières années décevaient les analystes. Le chiffre d’affaires stagnait, et avait même légèrement reculé lors du dernier exercice. Tata Motors a vu son bénéfice net chuter de 57 % au premier trimestre de son exercice 2016-2017, sous le coup d’effets de change négatifs et de la faiblesse des ventes de Jaguar Land Rover.

Des résultats bien maigres si on les compare à ceux de Ratan Tata, qui au cours de son long règne a porté le chiffre d’affaires du groupe de 2 à 100 milliards de dollars, mais au prix de nombreuses et coûteuses acquisitions. Or dans une économie mondiale où la croissance a ralenti partout sauf en Inde, Cyrus Mistry a pris le pari opposé : désendetter le groupe Tata tout en reconcentrant ses activités sur le marché intérieur.

Le groupe est présent dans plus de 100 secteurs

A l’heure actuelle, 70 % du chiffre d’affaires provient de l’étranger. Neuf ans après l’acquisition du sidérurgiste anglo-néerlandais Corus par Ratan Tata en 2007, pour 13,1 milliards de dollars, Cyrus Mistry cherchait justement à se débarrasser de plusieurs aciéries britanniques déficitaires, sans avoir finalement trouvé de solution. Tata Power cherchait à vendre ses mines de charbon en Indonésie et Tata communications voulait céder sa filiale sud-africaine Neotel.

Présent dans plus de 100 secteurs, du sel à l’automobile en passant par le thé, les résultats financiers du conglomérat cachaient surtout de grandes disparités entre les différentes activités. Cyrus Mistry voulait améliorer la rentabilité du groupe quand son prédécesseur s’était efforcé d’augmenter le chiffre d’affaires.

Mardi matin, l’unique interview donnée par Cyrus Mistry n’était plus disponible sur le site Internet du groupe. Mais le patron débarqué n’a pas dit son dernier mot. Le groupe Shapoorji Pallonji détenu par son père est le premier actionnaire de Tata Sons, la holding du groupe Tata, sans en être toutefois majoritaire. Ce dernier pourrait, selon les médias Indiens, contester devant la justice la mise à la porte de Cyrus Mistry.