Devant un supermarché à Caracas, le 15 août. Un panneau annonce que « la queue commence ici ». Au pochoir, on a ajouté : « Et ta dignité se termine ici. » | MARCO BELLO/REUTERS

L’organisation Human Rights Watch (HRW) dénonce, dans un rapport publié lundi 24 octobre, le fait que le gouvernement vénézuélien minimise l’ampleur de la pénurie de médicaments de base et de denrées alimentaires et qu’il réprime les personnes qui critiquent l’inefficacité de ses efforts pour atténuer la crise.

Le texte de 78 pages montre qu’il est devenu extrêmement difficile pour de nombreux Vénézuéliens d’accéder à des soins médicaux essentiels ou de répondre aux besoins fondamentaux de leur famille. Près de 80 % des produits de base manquent au Venezuela, faisant craindre une crise humanitaire de grande ampleur, et la population est obligée de faire plusieurs heures de queue pour tenter d’acheter le moindre aliment.

Alors que leurs propres efforts pour atténuer ces pénuries ont échoué, signale le rapport, « les autorités n’ont pas fait grand-chose pour obtenir une aide humanitaire internationale qui pourrait pourtant être rapidement disponible. En revanche, le gouvernement intimide et sanctionne ses détracteurs, y compris des professionnels de santé, des défenseurs des droits humains, et de simples citoyens qui dénoncent les pénuries ».

« Le gouvernement vénézuélien semble consacrer davantage d’énergie à nier l’existence d’une crise humanitaire qu’à œuvrer pour la résoudre »

« Le gouvernement vénézuélien semble consacrer davantage d’énergie à nier l’existence d’une crise humanitaire qu’à œuvrer pour la résoudre, assure José Miguel Vivanco, directeur Amériques de HRW. Ses échecs ont contribué aux souffrances de nombreux Vénézuéliens qui luttent à présent quotidiennement pour avoir accès à des soins médicaux essentiels et à une alimentation suffisante. » Le gouvernement vénézuélien attribue les problèmes à une « guerre économique » menée par l’opposition, le secteur privé et des puissances étrangères.

« Symptômes de malnutrition »

Le rapport cite une étude menée en août par un réseau de plus de 200 médecins, qui montre que 76 % des hôpitaux publics où ils exercent manquent des médicaments de base. « Le taux de mortalité maternelle relevé par le ministère de la santé sur les cinq premiers mois de l’année 2016 était supérieur de 79 % aux derniers chiffres officiels, qui datent de 2009, signale le rapport. Le taux de mortalité infantile était supérieur de 45 % aux données de 2013.
De nombreux médecins commencent à observer des symptômes de malnutrition, en particulier chez les enfants. »

Face à cette situation, « la rhétorique gouvernementale sur la “guerre économique” sert à justifier le recours à des stratégies autoritaires pour intimider et sanctionner les opposants, accuse l’organisation. Cette répression a frappé des professionnels de santé qui exprimaient leur inquiétude quant aux pénuries, et se sont vus menacés de perdre leurs postes dans les hôpitaux publics. »

Selon le rapport, le gouvernement a aussi « menacé de couper les financements internationaux aux organisations de défense des droits humains » et réagi aux protestations « par de graves actes de violences, des placements en détention, et l’interdiction sans justification aucune de certaines manifestations ».

Pénuries alimentaires, manifestations, répression : pourquoi le Venezuela s’enfonce dans la crise
Durée : 05:10

« Sans de fortes pressions internationales, notamment dans la région, l’administration [du président Nicolas] Maduro pourrait bien ne pas faire le nécessaire pour résoudre cette crise, et les conséquences dramatiques de la crise humanitaire subie par le Venezuela ne feront alors qu’empirer », affirme José Manuel Vivanco.