Des policiers posent près d’un fumigène lors d’un rassemblement organisé hors du cadre syndical devant l’Assemblée nationale, le 25 octobre. | ALAIN JOCARD / AFP

Avant même que le gouvernement n’annonce, en fin de journée, des mesures pour répondre à la colère des policiers, à l’issue d’une réunion avec les représentants de la police et de la gendarmerie, les agents mobilisés dans toute la France restaient méfiants.

Leur objectif ? Faire pression sur l’exécutif et faire entendre certaines revendications, alors qu’un agent est toujours gravement blessé à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, après avoir été attaqué à Viry-Châtillon, dans l’Essonne.

Mercredi 26 octobre, à Paris, ils étaient plusieurs centaines à manifester, avec ou sans syndicats, en civil, mais surtout sans cagoules ni écharpes sur le visage, contrairement à de nombreux rassemblements précédents.

Les syndicalistes se défendent de récupérer le mouvement

Place de la République, à Paris, cent à deux cents policiers se sont rassemblés pour défiler jusqu’à l’hôpital Saint-Louis, à l’appel d’Unité SGP Police FO. Pas de logo sur la banderole, pour esquiver les accusations de récupération, au dixième jour d’un mouvement qui est né sans l’impulsion des organisations syndicales.

Réagissant au plan de sécurité publique dévoilé dans Le Monde et annoncé mercredi soir, Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP Police FO, ne s’est pas montré convaincu. « On se fout de la base. Qu’ils ne croient pas que quelques gilets et changements d’armes vont calmer les policiers. » Quant à la fin de certaines gardes statiques, il assure qu’elle a été promise à de nombreuses reprises. Le syndicaliste reste par ailleurs vigilant quant au transfert de certaines tâches, comme les gardes statiques devant des lieux de culte, mais aussi des préfectures et des tribunaux. « Si on confie ça à des boîtes de sécurité, revoyons le recrutement de ces boîtes, estime-t-il. Ajoutant : l’Etat doit assurer ses devoirs régaliens. (…) Il faut que les charges sur les épaules de la police nationale soient justement réparties. »

« On attend les promesses électorales en 2017 »

Le long du cortège, d’où jaillissent des slogans tels que « Citoyens avec nous », « Cazeneuve t’es foutu, la police est dans la rue » ou encore « Falcone démission », un policier de Seine-Saint-Denis confie : « On attend les promesses électorales en 2017, mais à mon avis il faudra redescendre dans la rue. » Pour lui et certains de ses collègues qui défilent ensemble, les problèmes matériels ne sont pas tout. Ils fustigent une justice « laxiste » et demandent plus de fermeté des magistrats. « Ils font ce qu’ils peuvent et travaillent avec peu de moyens », reconnaît toutefois l’un d’eux.

Même méfiance à quelques stations de métro de République, devant l’Assemblée nationale, où des centaines de policiers se sont rassemblés, mais cette fois-ci sans syndicat. Quelque peu dispersés, les manifestants ont reçu la visite de citoyens venus les soutenir, comme cet homme agitant un grand drapeau bleu-blanc-rouge orné d’une croix de Lorraine, mais aussi d’élus, comme le candidat souverainiste à l’élection présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan, la députée Front national du Vaucluse, Marion Maréchal-Le Pen, et le député radical de gauche, Olivier Falorni. Ce dernier, qui assure s’être également rendu au défilé syndical, estime « qu’il faut des députés de gauche aux côtés des policiers », qui ont « d’abord besoin de reconnaissance, car ils ont longtemps été les abandonnés de la République ».

« De la poudre aux yeux »

Dans la foule, des agents de Seine-Saint-Denis décortiquent certaines annonces détaillées dans Le Monde, « de la poudre aux yeux pour beaucoup, estime Nicolas. On a déjà des nouveaux Flash-Ball ! » Pour Grégory, le plan de plusieurs centaines de millions d’euros est tout de même une bonne chose, mais « il faudrait que ça soit bien utilisé ». Les 20 millions d’euros pour financer les travaux immobiliers dans les commissariats sont, de même, bien accueillis.

Idée écartée par le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, mercredi matin, mais qui revient très souvent dans la bouche de policiers, la légitime défense est un sujet abordé dans plusieurs rassemblements. Yves Lefebvre souhaite « une discussion sur la légitime défense » et appelle à « prendre en considération l’appréhension du fonctionnaire au moment des faits ». « Ils n’ont pas ouvert le feu à Viry parce qu’ils avaient peur » des répercussions, a-t-il estimé.

Devant l’Assemblée nationale, Robert, policier dans le 93, veut lui aussi un débat sur le sujet. « Aujourd’hui la légitime défense est bien faite, le problème c’est la façon dont les magistrats l’appliquent », juge-t-il.