Christian Ecket, secrétaire d’Etat au budget, à l’Assemblée, mercredi 26 octobre. | ERIC FEFERBERG / AFP

Décidément, à chaque texte financier son lot de surprises. Le gouvernement avait déjà essuyé quelques contrariétés lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la première partie du projet de loi de finances. Il n’y a pas plus échappé au cours de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui a commencé mardi 25 octobre. Contre toute attente, l’article qui prévoyait de considérer, à partir d’un certain seuil de revenus, un particulier louant des biens par l’intermédiaire de plates-formes collaboratives (Airbnb ou Drivy par exemple) comme un professionnel – et, donc, de le contraindre à s’affilier au régime social des indépendants (RSI) pour s’acquitter des cotisations sociales sur ces revenus – a été supprimé.

Pour le gouvernement, il s’agissait, avec cet article, de « clarifier le droit social applicable à l’économie numérique ». Le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, a défendu une disposition visant à ne pas « laisser s’installer des usages parfois hors du droit, parfois à la frontière du droit et parfois conformes au droit ». Il a multiplié les ouvertures, se disant prêt à accepter une réévaluation, voire un doublement, des seuils de revenus à partir desquels les particuliers devraient s’affilier au RSI.

18 voix contre 14

Pas suffisant pour convaincre une assemblée – clairsemée – majoritairement hostile à cette disposition, craignant qu’un coup d’arrêt soit porté à l’économie numérique et collaborative. « Cet article va corseter une activité qui émerge et qui, pour le moment, concerne plutôt des personnes désireuses d’arrondir leurs fins de mois », a plaidé Isabelle Le Callennec (LR, Ille-et-Vilaine). Pour Jean-Louis Roumégas (EELV, Hérault), « on est en train de rater quelque chose de fondamental, cette réforme est malvenue et injuste ». Tandis que des voix s’élevaient même dans les rangs socialistes pour émettre des réserves sur cet article.

Suspension de séance demandée par le ministre, dernier baroud du rapporteur, Gérard Bapt, et du porte-parole du groupe socialiste, Michel Issindou, puis de nouveau de M. Eckert. En vain. L’amendement de suppression de l’article est adopté par 18 voix contre 14. La séance est levée, les explications se poursuivent dans les couloirs adjacents à l’Hémicycle.

Avec ce coup de théâtre nocturne, les députés n’ont pas eu le temps d’atteindre mercredi soir l’article 11, très attendu par les syndicats. Il a été discuté mercredi matin. C’est en effet dans cette partie du texte que les parlementaires ont décidé d’insérer un amendement visant à alléger la charge, voire à exonérer certains retraités modestes de la contribution sociale généralisée (CSG). Adopté en commission des affaires sociales le 18 octobre, le dispositif porté par Valérie Rabault (PS, Tarn-et-Garonne), rapporteure générale du budget, et plusieurs dizaines de membres du groupe socialiste a subi quelques modifications mercredi 26 octobre, avant d’être adopté en séance jeudi matin.

550 000 ménages concernés

L’amendement adopté en commission prévoyait, au départ, d’augmenter de 5 % le seuil du revenu fiscal de référence (RFR), qui sert à l’administration fiscale pour calculer l’imposition, afin de permettre aux retraités les plus modestes de bénéficier du taux zéro de CSG, et donc de ne plus y être soumis. Celui qui a été déposé mercredi propose, lui, de rehausser ce seuil de 3 % seulement, mais que cette hausse du seuil soit mise en place de façon identique pour les retraités soumis au taux réduit de la CSG (3,8 % au lieu de 6 %), afin d’inclure plus de monde dans le dispositif.

Concrètement, aujourd’hui, pour bénéficier d’un taux zéro de CSG, un retraité célibataire de moins de 65 ans doit disposer d’un RFR inférieur à 10 676 euros (soit 988 euros net par mois). Le taux réduit, lui, n’est appliqué qu’en-dessous de 13 956 euros par an (soit 1 292 euros nets par mois). Le nouvel amendement de Mme Rabault propose de faire passer le seuil à 10 996 euros (1 018 euros par mois) pour le taux zéro et à 14 373 euros (1 331 euros par mois) pour le taux réduit. Si tout se passe comme prévu, 550 000 ménages devraient bénéficier de la mesure, avec un gain moyen oscillant entre 552 et 461 euros par an.

Le dispositif, qui devrait représenter un manque à gagner de 280 millions d’euros – au lieu des 260 millions initialement prévus avec la première version – pour le budget de la Sécurité sociale, vise à corriger certaines mesures mises en place ces dernières années et qui ont pour conséquence l’augmentation du RFR de certains retraités. Parmi elles, la suppression progressive de la « demi-part veuves » ou encore la majoration de pension pour charge de familles. Des changements qui ont affecté près d’un million de retraités, avec un manque à gagner de 30 à 50 euros par mois.