Vitali Tchourkine, l’ambassadeur de la Russie auprès de l’ONU, à New York, le 11 août 2016. | CARLO ALLEGRI / REUTERS

L’ombre de pays « autoritaires » et de « dictatures brutales » plane sur l’ONU, selon Thor Halvorssen, le président de la Fondation des droits de l’homme. L’Arabie saoudite, l’Egypte, la Chine, l’Irak, le Rwanda et Cuba ont été élus, vendredi 28 octobre, pour siéger pendant trois ans au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, basé à Genève. Et ce malgré une très forte mobilisation de la société civile pour empêcher l’élection « du pire conseil des droits de l’homme que nous avons jamais eu », selon Stéphanie David, de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).

Le « pire a été évité », assure cependant un diplomate, pour qui la seule raison de se réjouir est le camouflet reçu par la Russie. C’est la première fois qu’un pays membre permanent du Conseil de sécurité perd son siège au sein de cet organe onusien chargé d’assurer « la promotion et la protection des droits de l’homme ». Il a été créé en 2006 en remplacement d’une commission dont la crédibilité était jugée « déclinante » à cause de la présence en son sein de pays considérés comme les pires violateurs des droits de l’homme.

« Un nombre incalculable d’atrocités en Syrie »

« En rejetant la réélection de la Russie […], les Etats membres des Nations unies envoient un message très fort au Kremlin pour dénoncer son soutien à un régime qui a commis un nombre incalculable d’atrocités en Syrie », s’est réjoui Louis Charbonneau, directeur de Human Rights Watch (HRW) pour l’ONU. L’ambassadeur russe Vitali Tchourkine a minimisé, quant à lui, cette gifle de la communauté internationale en l’attribuant aux « vents contraires de la diplomatie » et en assurant ironiquement que la Russie avait besoin de « faire une pause ». La Hongrie et la Croatie ont été préférées à la Russie.

Selon l’ONG UN Watch à Genève, sur les dix-sept candidats à un siège, huit auraient dû être disqualifiés car ils ne répondaient pas aux critères exigés en termes de respect des droits de l’homme : la Chine, Cuba, l’Egypte , l’Irak, la Malaisie, la Russie, le Rwanda et l’Arabie saoudite.

La réélection de Riyad était quasi assurée, car, dans son « groupe régional », il y avait autant de pays candidats – quatre – que de sièges à occuper. « Parler d’élection est un euphémisme à partir du moment où un certain nombre de votes sont bloqués par les groupes régionaux qui ne jouent pas le jeu », estime Michel Forst, le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. Il déplore par ailleurs de ne pas avoir pu se rendre dans un grand nombre des pays élus, et notamment en Arabie saoudite, où Human Rights Watch dénonce de nombreuses violations telles que la peine de mort pour apostasie ou adultère, le chiffre le plus élevé d’exécutions publiques depuis 1995 ou encore l’amputation inscrite dans le droit pénal.

L’Arabie saoudite, « un pyromane chef des pompiers »

Hillel Neuer, le directeur d’UN Watch, a dénoncé une aberration : « Choisir l’Arabie saoudite comme arbitre des droits de l’homme, c’est comme nommer un pyromane chef des pompiers. » A la tête d’une coalition militaire au Yémen pour soutenir le gouvernement contre les rebelles houthistes, Riyad a été accusé de frapper des objectifs civils. L’ONU avait même brièvement inscrit l’Arabie saoudite sur sa liste noire des pays violant le droit des enfants, avant de la retirer sous la pression financière du royaume.

« Il y a une complaisance générale dramatique », s’insurge Stéphanie David, de la FIDH, qui s’inquiète aussi de « l’extrême polarisation de ce Conseil des droits de l’homme avec l’élection en plus des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Les blocages du Conseil de sécurité vont être dupliqués au Conseil des droits de l’homme. La paralysie sera totale ».