A Paris, le 28 octobre, dans le 19e arrondissement. | Joël Saget / AFP

Dehors, concert improvisé : « Mon cœur est touché quand je vois toutes ces souffrances dans un pays qui s’appelle la France, la Fraaaance… » A côté du bassin de La Villette et de sa rotonde aménagée en restaurant branché, dans le 19arrondissement de Paris, deux musiciens réinterprètent du Bob Marley. Face à eux, une quarantaine de migrants. D’autres tapent dans un ballon pour feinter la froidure de l’automne. Il est 21 heures passées, vendredi 28 octobre, et le duo chante en soutien à tous les réfugiés installés dans les campements de la capitale.

Ils sont de plus en plus nombreux, depuis le début de semaine, à avoir disposé leurs tentes de fortune, étendu du linge entre des arbres, déroulé des couvertures de survie. « Selon les associations qui font des maraudes ici, même si tout décompte est très compliqué, on est passé d’environ 1 500 migrants à 2 200 en quelques jours », estime Colombe Brossel, adjointe à la mairie de Paris chargée de la sécurité, de la prévention, de la politique de la ville et de l’intégration. Sous le métro aérien de la station Stalingrad, des grillages restreignent pourtant les possibilités depuis l’intervention policière de septembre. Reste le terre-plein de l’avenue de Flandre et le quai de Jemmapes.

Alentour, beaucoup d’hommes, certains aux traits d’adolescents. Quelques femmes, aussi. « Au moins 50 nouveaux migrants arrivent chaque jour à Paris », précise Mme Brossel, laissant entrevoir la diversité de leur provenance. Tous assurent vivre ici depuis des semaines. Soudan, Afghanistan, Erythrée, Libye, Egypte. A chacun son exil, à chacun ses besoins d’obtenir des papiers, un logement… Bilal Abdel-Aziz, 27 ans, survit dans les rues depuis deux mois et demi : « Nous sommes des êtres humains… Le froid qu’il fait maintenant, même les pigeons ne peuvent pas le supporter ! » Fataliste, ce Soudanais poursuit, toujours en français : « Quand je vois que la police vient pour nous embarquer et qu’elle jette nos affaires dans des poubelles, je vous le jure, je me dis qu’il est inutile de vouloir rester en France. Maintenant, je veux aller en Allemagne. »

Bus de la police

Vendredi matin, une fois encore, selon plusieurs témoins cités par l’AFP, « une trentaine de migrants » ont été contraints de monter dans un bus de la police. Les CRS appellent cela une « opération de contrôle » censée vérifier la situation administrative des occupants et l’état sanitaire du campement. Houssam El Assimi, traducteur bénévole et Parisien bien connu des réfugiés arabophones, parle plutôt de « rafles ». Tout comme Baptiste Pelletan. Ce dernier est membre d’une association, Le Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants, qui donne des cours de français tous les soirs à « environ 500 apprenants chaque semaine ».

Quel lien entre la situation du Nord-Est parisien et, dans le même temps, le démantèlement du bidonville de Calais ? Colombe Brossel concède « une porosité » ayant toujours entraîné un va-et-vient. Bernard Cazeneuve, pourtant, réfute tout « mouvement de migrants » ces derniers jours entre ces deux villes distantes de moins de 300 kilomètres. En visite dans un centre d’accueil et d’orientation à Gelos, dans les Pyrénées-Atlantiques, le ministre de l’intérieur a annoncé vendredi vouloir démanteler « dans les jours qui viennent » les campements de la capitale.