JOEL SAGET / AFP

Nos ancêtres, tous Gaulois, mangeaient des pains au chocolat. Qui étaient d’ailleurs viennois, mais ne chipotons pas. A 10 ou 15 centimes d’euro pièce, on ne va pas faire les difficiles : c’est un emblème de notre belle nation à peu de frais, une Marianne pur beurre. Liberté, égalité, pâte feuilletée. Pourquoi Jean-François Copé a-t-il érigé le pain au chocolat en symbole de l’innocence perdue, de la France éternelle ?

Le prix d’un pain au chocolat ? "10 ou 15 centimes", répond Copé
Durée : 01:00

Première hypothèse  Il a écarté le croissant, candidat naturel, pour des raisons d’homonymie. Dans un débat autour de l’islam, le croissant porte à confusion (« comment ça, un jeune a chipé le croissant pendant le ramadan ? Et l’étoile aussi ? »). Mais tout de même, choisir le pain au chocolat, c’est un peu comme parier sur Poulidor, l’éternel second. En anglais, d’ailleurs, on parle souvent de chocolate croissant, ce qui fait de lui une déclinaison, une pauvre réplique. En France, il n’y a guère que les écoliers qui s’en pourlèchent les babines à l’heure du goûter. Adulte, on se rabat sobrement sur le croissant au beurre, ou pire, sur le croissant ordinaire – qui porte sa misère jusque dans son nom. Jean-François Copé a laissé parler l’enfant barbouillé de chocolat qui sommeille en lui.

Deuxième hypothèse  Un hymne marxiste au multiculturalisme. « Pain au chocolat » au nord, « chocolatine » au sud, peu importe le nom, vous êtes tous français, a dit en substance le candidat à la primaire de la droite. Viennoiseries de toutes les boulangeries, unissez-vous !

Troisième hypothèse Le temps est venu de ressouder la France, et Jean-François Copé propose de le faire à coups de beurre fondu. En ces heures troublées, il faut se replier sur nos valeurs, et dénoncer les usurpateurs. Ceux dont la double barre de chocolat est dure comme du bois. Ceux dont les feuilles de pâte sont molles comme du papier mouillé. Ceux dans lesquels l’air s’infiltre par tous les bouts. Ceux qui naissent en usine et finissent décongelés sur le présentoir du boulanger (très nombreux). Ceux que l’on imbibe de margarine. Ceux que l’on achète par sachets de dix au supermarché, qui réussissent l’exploit d’être à la fois étouffants et ramollis.

Quatrième hypothèse Jean-François Copé avait faim. Et maintenant, il s’en mord les doigts, de ce pain au chocolat. Si un jour il lui prend l’envie de remettre le couvert, il n’a qu’à demander. Chaque Français a, dans son quartier ou dans ses souvenirs, le meilleur pain au chocolat du monde. Il ne lui en coûtera guère moins qu’un euro, mais guère plus. C’est moins cher qu’une réputation.