Des migrants récupèrent leurs affaires après l’opération de contrôle de la police au campement boulevard de La Villette, à Paris, le 31 octobre. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Cueillis dans leur sommeil par la police venue contrôler leur statut, lundi 31 octobre au matin, des migrants du campement de Stalingrad (dans le nord-est de Paris) ont dû quitter les lieux précipitamment, laissant derrière eux tentes, matelas et sacs de couchage. Sous leurs yeux, quelques heures plus tard, une pelleteuse détruisait tout et jetait leurs affaires dans une benne. Ceux qui avaient réclamé plus tôt la propriété de ces biens se sont heurtés aux CRS.

« Ce qui s’est passé ce matin est une opération de contrôle des situations administratives. » Telle était la réponse, immuable, de la préfecture de police de Paris, quelques heures après l’intervention sur le campement installé sous le métro aérien de Stalingrad. Pourquoi alors cette destruction de biens personnels ? Interrogée, la préfecture a indiqué avoir réquisitionné les agents de la Fonctionnelle (une brigade de la propreté de la ville de Paris qui intervient dans les situations d’urgence) pour qu’elle « retire de la voie publique des effets » qui, selon elle, « n’appartiennent à personne »

« Je n’ai plus de nourriture, plus de vêtements, plus de tente, de matelas ni de couverture », confiait un jeune Afghan. Interrogés à l’issue de leur intervention, des responsables de la Fonctionnelle ont simplement indiqué être venus « assurer la prestation » qu’on leur avait demandée.

Paris : Le camps de migrants vidés à la peleteuse
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C’est notamment cette scène boulevard de La Villette qui a entraîné la confusion ; plusieurs médias ont ainsi annoncé qu’une évacuation était en cours. Pourtant, « il ne s’agissait en aucun cas d’un démantèlement ou d’une mise à l’abri », a confirmé Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris chargé du logement et de l’hébergement d’urgence. Il a néanmoins évoqué une « opération de contrôle un peu compliquée » et renvoyé la balle à la préfecture de police.

Contrôle et nettoyage

La police, elle, était venue vérifier le droit au séjour des migrants du campement avant l’évacuation prévue dans les prochains jours, comme l’a annoncé François Hollande. Ce type d’opération est commun, d’autant plus avant une « mise à l’abri ». Ce qui l’est moins, c’est la destruction de l’abri.

Selon la préfecture, le but initial de l’opération de contrôle était de faire le tri pour ne garder sur place que les demandeurs d’asile. Au cours de son intervention, la police a donc séparé les demandeurs d’asile des sans-papiers : les premiers ont été dispersés et les seconds emmenés au commissariat, selon le Comité de soutien des migrants de La Chapelle.

Dissuasion

Pour des riverains qui assistaient à la scène, l’opération de ce matin n’avait qu’un but : « dissuader les migrants de rester et d’aller ensuite au centre d’accueil de La Chapelle », comme l’assurait Mireille, une habitante du quartier, qui a observé la scène toute la matinée.

Ce site, installé dans le XVIIIe arrondissement, doit ouvrir « dans la foulée » de l’évacuation du campement de Stalingrad, indique la mairie de Paris. Problème : on recense environ deux mille personnes dans le campement, et le site de la porte de La Chapelle aura une capacité de quatre cents lits à l’ouverture, portée à six cents d’ici à la fin de l’année.

Dans une lettre adressée au ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et à la ministre du logement, Emmanuelle Causse, le 28 octobre, la maire de Paris, Anne Hidalgo, prévient que le centre d’accueil n’a « pas vocation à accueillir les migrants déjà présents à Stalingrad : ce n’est pas sa fonction, il n’en a, par ailleurs, pas la capacité ».

A la mairie, on insiste pour dire que l’ouverture du centre se fera après l’évacuation du campement de Stalingrad ; comme une condition sine qua non. Si les demandeurs d’asile de Stalingrad n’ont « pas vocation » à être accueillis à La Chapelle, où seront-ils accueillis ?

En attendant, lundi midi, les migrants ont accueilli le départ des CRS dans la joie. Dès que les policiers ont tourné les talons, ils se sont rués sur le campement pour le reformer. « Et en plus, ce n’est même pas nettoyé », a soupiré Mireille, l’habitante du quartier.