Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. | ERIC FEFERBERG / AFP

En maintenant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la France est à contre-courant du reste de l’Europe et des pays occidentaux. Parmi les derniers irréductibles figurent le Liechtenstein, la Norvège et certains cantons suisses.

Cet impôt révèle le caractère souvent irrationnel du rapport que les Français entretiennent avec leur système fiscal. 72 % d’entre eux sont contre sa suppression, tout en admettant à 75 % que son impact sur l’économie est nul ou négatif. L’ISF rapporte environ cinq milliards par an alors que dans le même temps il ferait perdre une vingtaine de milliards de recettes fiscales, perte consécutive à l’exil fiscal des Français fortunés.

Avec 10 000 départs, la France a été en 2015 le pays au monde comptant le plus de départs de millionnaires, sans que l’on connaisse la proportion des départs motivés par des raisons fiscales. Ce qui fait dire à certains de nos voisins européens que l’ISF est l’« invitation à sortir de France ».

Un ISF pour tous

Face à ce constat, l’OFCE préconise de supprimer l’ISF dans un rapport publié le 24 octobre et intitulé « Quelles réformes de l’imposition sur le capital pour les hauts revenus ? ». Mais le droit fiscal a horreur du vide. L’OFCE propose donc de compenser cette suppression par une taxation des loyers implicites. Cela consisterait à faire apparaître parmi les revenus imposables des contribuables le montant des loyers qu’ils économisent en se réservant la jouissance des logements dont ils sont propriétaires.

Encore faut-il ne pas perdre de vue l’objet de l’ISF. Cet impôt frappe la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèces ou en nature procurés par ces biens. C’est pour cette raison que la valeur en pleine propriété des biens dont le propriétaire se réserve la jouissance entre dans l’assiette de l’ISF.

Le rapport de l’OFCE indique « l’ISF taxe le logement principal (avec un abattement de 30 %), ce qui compense quelque peu la non taxation des loyers implicites ». Imposer des loyers virtuels consisterait à frapper la capacité contributive que confère la détention d’un immeuble et qui résulte des revenus en nature procurés par cet immeuble.

Un cerveau à l’imagination fiscale féconde n’aurait guère à se forcer pour suivre le même raisonnement à l’égard des autres biens (véhicules, objets d’art…). Une fois ouverte, cette boîte de Pandore mènerait à un ISF bis. Une nouvelle taxe qui concernerait, cette fois, tous les propriétaires et non plus, comme actuellement, seulement ceux dont le patrimoine a une valeur nette au moins égale à 1,3 million d’euros.