De nombreux jeunes migrants de la « jungle » de Calais souhaitent toujours rejoindre la Grande-Bretagne. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

La « jungle » de Calais, c’est bel et bien terminé. A coups de pelleteuses, le démantèlement du camp s’est achevé dans la soirée lundi 31 octobre. Mais la destruction des abris, des commerces et des cabanes qui avaient été constitués au fil des années par les migrants et les associations ne règle pas tout.

Il reste en effet un dossier épineux pour le gouvernement, le sort des mineurs isolés. Un sujet « extrêmement passionnel », mais aussi « très instrumentalisé », regrette le directeur général de France terre d’asile, Pierre Henry.

La grande majorité de ces mineurs non accompagnés n’a qu’un but, traverser la Manche et rejoindre la Grande-Bretagne, où se trouve, pour la plupart, un membre de leur famille. Au cours de l’évacuation de la « jungle », la semaine dernière, près de 1 800 jeunes ont été enregistrés – sur un total de près de 8 000 migrants. Et, à ce jour, seuls 308 ont pu se rendre en Angleterre de manière légale. Un chiffre insuffisant pour M. Henry :

« Ce qui est insupportable, c’est ce goutte-à-goutte que la Grande-Bretagne impose à Calais. Ils se sont engagés à prendre des mineurs qui ont de la famille ou à accueillir des personnes vulnérables sur la base de l’amendement Dubs [Cette mesure permet de faire venir des mineurs non accompagnés même s’ils n’ont pas de famille en Grande-Bretagne]. Mais ils traînent beaucoup. »

Pour Lucie Lecarpentier, de Médecins sans frontières, les jeunes migrants ont également été victimes « d’un manque de communication dès le départ par les pouvoirs publics. Il y a alors eu un flou, une défiance qui s’est installée ».

« Plus de mineurs à Calais » dans les prochains jours

Environ 1 500 migrants sont « mis à l’abri », dans le centre d’accueil provistoire, situé en bordure de la « jungle » de Calais. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

C’est le Home Office, le ministère de l’intérieur britannique, qui s’occupe des entretiens avec les mineurs depuis le début de l’opération et qui instruit les demandes. « Ils ont plus de 600 dossiers entre les mains actuellement », précise M. Henry. Hébergés au départ dans le centre d’accueil provisoire (CAP) situé en bordure de la « jungle », les mineurs, qui sont encore près de 1 500 à Calais, sont désormais orientés depuis plusieurs jours vers une dizaine de centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés (Caomi), disséminés sur tout le territoire. Dans un entretien donné à La Voix du Nord, publié mardi 1er novembre, François Hollande a ainsi promis que « dans les prochains jours, il ne devrait plus y avoir de mineurs étrangers à Calais ».

Mais le rêve d’Angleterre de ces jeunes ne s’est pas évaporé pour autant. Pour Pierre Henry : « Beaucoup l’oublient, mais ils ont un projet : aller en Angleterre. Certains d’entre eux qui ont été amenés dans un Caomi ont déjà repris la route migratoire pour retourner à Calais. Et ça ne va pas s’arrêter. Nous allons nous retrouver dans une situation inextricable. » Ainsi, à Fouras (Charente-Maritime), onze des vingt-deux mineurs accueillis dans un centre sont repartis ; ou encore à Sion (Meurthe-et-Moselle), où en trois jours, dix-neuf des quarante migrants arrivés ont quitté le Caomi.

« Mais la suite, on la connaît. Ils seront interpellés, remis au procureur, qui prononcera une ordonnance de placement provisoire. Des policiers les amèneront ensuite dans une structure d’aide sociale à l’enfance. Et vingt-quatre heures après, ils seront repartis vers Calais », s’inquiète M. Henry.

« Il faut penser aux autres mineurs qui vont arriver en France »

Alors pour éviter ces départs des Caomi et la formation de nouveaux camps dans le Calaisis, un membre du Home Office accompagnera, à partir de jeudi 3 novembre, chaque bus qui partira de la « jungle » à destination d’un centre d’accueil. Et les entretiens avec les mineurs ne se tiendront plus dans le CAP à Calais mais dans les centres d’accueil en région.

La lettre d’information transmise aux mineurs isolés à Calais par la préfecture du Pas-de-Calais :

Cette présence de fonctionnaires britanniques est « plutôt positive. Ça donne une garantie, une assurance aux migrants, juge Lucie Lecarpentier. Mais il faudra bien communiquer avec eux sur le processus, les délais, les recours possibles… Ils posent beaucoup de questions, ce sont quand même des mineurs ».

Au-delà de ces adolescents migrants isolés présents à Calais se pose la question des autres jeunes non accompagnés présents sur le territoire ou qui sont en train d’arriver. Ainsi pour Mme  Lecarpentier, « des mineurs vont continuer à arriver, on le sait. Alors si on ne veut pas de nouveaux camps insalubres, inhumains, il faut que ces mineurs puissent être orientés et avoir accès à ces procédures simplifiées ». Ce qui n’est pas garanti par le gouvernement pour le moment. « Alors, aujourd’hui, on ne sait pas trop vers où ils vont aller », regrette-t-elle.

Le sort des mineurs isolés présents en France, de Calais comme d’ailleurs, est donc encore loin d’être réglé.