Un bateau de réfugiés, le 20 mai 2015. | JANUAR / AFP

L’Australie dispose déjà de l’une des politiques les plus dures du monde, concernant les demandeurs d’asile. Mais le gouvernement conservateur veut aller plus loin et interdire à vie à certains réfugiés de mettre les pieds dans le pays. Une loi sera présentée, dans les jours à venir, aux parlementaires.

L’interdiction vise les demandeurs d’asile qui ont tenté de rejoindre l’Australie par bateau, clandestinement. Elle devrait s’appliquer à plusieurs milliers de personnes, interceptées en mer et envoyées dans les centres de détention offshore de l’Australie, dans le Pacifique, à Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) ou sur l’îlot isolé de Nauru.

Qu’ils aient été reconnus réfugiés ne changera rien. Le texte vise les adultes de plus de 18 ans. Même s’ils sont retournés dans leur pays d’origine, ou s’ils se sont installés dans un autre pays, ils n’obtiendront jamais de visa pour l’Australie. Ni un visa touriste, ni un visa d’affaires, ni même en cas de mariage avec un Australien.

La loi est rétroactive ; la date du 19 juillet 2013 a été retenue. C’est ce jour-là que le travailliste Kevin Rudd, alors premier ministre, avait annoncé : « A partir d’aujourd’hui, les demandeurs d’asile arrivés par bateau sans visa ne seront jamais autorisés à s’installer en Australie ». Ce message a été martelé par les gouvernements successifs, y compris dans des campagnes, diffusées dans une vingtaine de langues, dans de nombreux pays : « No way. You will not make Australia home ». Un cap va être franchi si cette menace devient une loi.

« Une punition perverse »

Les critiques ont plu, dès l’annonce de la loi. « Cela me semble ridicule qu’un réfugié installé aux Etats-Unis ou au Canada, qui est devenu citoyen américain ou canadien, soit interdit d’entrer en Australie en tant que touriste ou homme d’affaires, même 40 ans plus tard », a réagi le chef de l’opposition travailliste, Bill Shorten. Pour le Refugee council, c’est « une punition perverse réservée à des gens qui ont cherché à venir chez nous pour être en sécurité ».

Le premier ministre, Malcolm Turnbull, a repris sa rhétorique habituelle : cette politique viserait à éviter les noyades des migrants dans un voyage périlleux et à lutter contre les passeurs. « Il ne faut pas sous-estimer la menace. Ces trafiquants d’êtres humains sont les pires criminels imaginables. Ils ont des business de plusieurs milliards de dollars ». De plus, le chef du gouvernement juge l’Australie « généreuse », car elle accepte 13 500 réfugiés par an dans le cadre du programme de réinstallation du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU. Ce chiffre passera à 18 750 en 2018.

« Peu de pays vont aussi loin pour infliger délibérément de la souffrance à des gens en quête de sécurité et de paix »
Une représentante d’Amnesty international

Aucun clandestin n’a réussi à atteindre les côtes australiennes depuis 800 jours, se félicite le gouvernement. Les bateaux sont stoppés en mer et renvoyés hors des eaux territoriales de l’Australie. Des demandeurs d’asile sont placés pour une durée indéterminée dans des centres de détention offshore. Les conditions de vie sur place sont régulièrement dénoncées, aussi bien par les Nations Unies que par des ONG. « Peu de pays vont aussi loin pour infliger délibérément de la souffrance à des gens en quête de sécurité et de paix », dénonçait en août une représentante d’Amnesty international, après une visite à Nauru.

Des opposants au projet de loi du gouvernement affirment que celui-ci ne respecte pas les obligations internationales de l’Australie dans le cadre de la Convention des Nations unies sur les réfugiés. Reste une inconnue : il n’est pas sûr que le texte obtienne la majorité des votes au Sénat.