Alain Juppé, sur la dalle d’Argenteuil (Val-d’Oise), le 2 novembre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Il n’a même pas eu besoin de prononcer le nom de son principal rival. Et a préféré laisser parler les images. Alain Juppé a effectué un déplacement en banlieue parisienne, mercredi 2 novembre, avec un objectif principal : montrer qu’il bénéficie d’un bon accueil dans les quartiers difficiles, contrairement à Nicolas Sarkozy. À moins de trois semaines de la primaire à droite, le favori du scrutin a choisi de se rendre à Argenteuil (Val-d’Oise), sur cette symbolique dalle où M. Sarkozy avait promis en 2005 à une habitante qui l’interpellait de la « débarrasser » d’une « bande de racailles ».

Ignorant les questions sur l’ex-chef de l’Etat et son expression polémique, M. Juppé a affirmé avoir choisi de se rendre à cet endroit uniquement pour « voir » le maire Les Républicains (LR) de la ville, Georges Mothron, qui le soutient, et « parler aux habitants ». Seul Kamel Hamza, élu LR de La Courneuve et soutien de M. Juppé, est revenu sur les propos tenus par M. Sarkozy, en 2005, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, en s’indignant de « mots qui ont fait mal et qui continuent de faire du mal » aux habitants des cités, onze ans après.

Impression de sérénité

Accueilli par M. Mothron et le député LR du Val-d’Oise, Axel Poniatowski, qui le soutiennent, M. Juppé a déambulé sur la dalle pendant plus d’une heure, rendant visite à des commerçants et au personnel du centre municipal de santé, avant de participer à une table-ronde dans un salon de thé. Entouré par des dizaines de journalistes et d’habitants du quartier, le maire de Bordeaux s’est efforcé de garder le sourire malgré la cohue autour de lui. L’accueil qui lui a été réservé a été globalement positif. « Juppé président ! », ont notamment scandé quelques habitants à plusieurs reprises.

Alain Juppé, sur la dalle d’Argenteuil (Val-d’Oise), le 2 novembre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

En opération séduction, le candidat a joué le jeu en posant pour des photos avec des jeunes, une femme voilée ou des mères de famille du quartier. Et a salué des familles qui l’observaient depuis leur balcon. Seule une poignée de personnes ont tenté de troubler cette belle unanimité : l’un en arrachant sa carte de LR devant les caméras ou un autre en se désolant que « les politiques » lui aient « menti ». « Ce n’est qu’une opération de communication, organisée avec des habitants triés sur le volet ! », a encore déploré un jeune militant socialiste d’Argenteuil, au passage de M. Juppé. Sans parvenir à faire sortir le candidat de ses gonds. A chaque question sensible, le favori de la primaire a siffloté pour dégager une impression de sérénité.

Ravi du soutien de Valérie Pécresse, annoncé la veille, le maire de Bordeaux a cherché à montrer qu’il se préoccupe du sort des zones urbaines sensibles, afin de couper l’herbe sous le pied de ceux qui le dépeignent comme l’édile d’une ville bourgeoise, qui serait coupé des difficultés des quartiers. « Alain Juppé est engagé sur la question des quartiers difficiles depuis longtemps », a souligné la sénatrice LR Fabienne Keller, membre de la garde rapprochée de M. Juppé, en rappelant que ce dernier avait créé les zones franches urbaines en 1996, lorsqu’il était premier ministre.

« Je ne veux plus de zones de non droit »

Après avoir assisté à la présentation du projet « l’urne des quartiers », qu’il a lui-même initié pour recueillir des idées émanant des habitants des quartiers, le candidat a présenté les grandes lignes de son projet pour les banlieues pendant une vingtaine de minutes. Ne souhaitant « pas faire de grand discours », qui ne serait pas suivi d’effets, il a insisté sur sa volonté d’« agir » de manière concrète pour les banlieues. D’abord, en luttant activement contre le taux élevé de chômage dans les quartiers, qu’il a jugé « pas supportable », avec une série de mesures : développement de l’apprentissage et de la formation professionnelle, faciliter la création d’entreprise avec des crédits alloués à un fond d’encouragement, relance des zones franches urbaines…

Alain Juppé, sur la dalle d’Argenteuil (Val-d’Oise), le 2 novembre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Seconde priorité : la sécurité. « Je ne veux plus de zones de non droit en France », a affirmé M. Juppé, en promettant des moyens supplémentaires pour les forces de l’ordre ou la justice et la construction de 10 000 places de prison. Préconisant des efforts accrus de l’Etat en matière de logement, le tenant de l’« identité heureuse » a surtout dit respecter « la diversité », qu’il conçoit comme « une richesse », à condition que cela ne remette pas en péril « l’unité » de la nation. « Il faut recréer un sentiment de confiance, de paix civile et de respect », a insisté celui qui avait déjà arpenté les quartiers Nord de Marseille la semaine dernière, en appelant à « retrouver le bonheur de vivre ensemble ». M. Juppé a aussi souligné l’importance de la laïcité en France, qui repose, selon lui, sur deux principes : « Chacun est libre de choisir sa religion mais chaque religion doit respecter la République et ne pas prétendre lui imposer sa loi. »

Alors que les sondages le présentent comme le grand favori de la primaire, un homme l’a interpellé lors de la table ronde en l’appelant « M. le président ». Sourire amusé de M. Juppé et réponse prudente : « Je suis le président de Bordeaux métropole… pour l’instant ! »