Qui aura la peau du chèque ? Cette question risque de rester longtemps en suspend. Jeudi 3 novembre, le Sénat devait procéder à une nouvelle lecture du projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique.

Ce texte contient un amendement du gouvernement visant réduire la durée de validité du chèque d’un an à six mois. Si, depuis 2010, les pouvoirs publics multiplient les initiatives afin de réduire son usage, cette exception française fait de la résistance : 71 % des chèques signés en 2013 dans l’ensemble de l’Union européenne l’ont été en France.

Certes, l’utilisation de cette microlettre de créance, adoptée au XIXsiècle dans l’Hexagone, décroît peu à peu. Selon la Banque de France, le chèque représentait 12 % des paiements en 2014, contre 75 % en 1975. Mais sa longévité agace le gouvernement – engagé dans la lutte contre le blanchiment, il ne le juge pas assez fiable – et les banques.

Pour ces dernières, la mise à disposition gratuite de chèques est coûteuse. Selon un rapport daté de 2012 du ministère de l’économie, ils représentent une charge nette de 2,5 milliards d’euros pour le secteur. Les cartes bancaires, elles, représentent un revenu au moins équivalent, de 2,6 milliards d’euros…

Apprécié des ménages aux revenus modestes

Jusqu’ici, pourtant, toutes les attaques contre le chèque ont fait chou blanc. Fin septembre, les députés ont ainsi rétabli, contre l’avis du gouvernement, la durée de validité du chèque à douze mois, en soulignant « l’attachement des Français à ce moyen de paiement ». Notamment des ménages aux revenus modestes qui peuvent, grâce au chèque, profiter de délais d’encaissement, surtout lors des fins de mois difficiles. Mais aussi les personnes âgées n’ayant pas toujours accès aux moyens de paiement numériques.

Les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), tout comme les indépendants, restent eux aussi attachés à cet outil. En particulier pour les paiements à leurs fournisseurs. Et pour cause : le chèque est gratuit et est accepté pour tout montant et type d’achat (matières premières, biens immobiliers…). « Sa gestion ne requiert pas de structure financière particulière, ce qui est aussi un avantage », indique Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants.

En outre, le chèque apporte une certaine souplesse dans la gestion des trésoreries. Grâce à lui, les TPE ont en effet la possibilité de moduler leurs délais de paiement – et donc, de maîtriser leurs liquidités.

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Réduire les frais liés aux paiements par carte

Pour encaisser leurs clients, en revanche, les entreprises semblent plutôt ouvertes aux moyens de paiement dématérialisés. Selon une étude réalisée en janvier par Bernard Cohen Hadad, président de la commission financement des PME à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), 77 % des adhérents de la confédération se disent favorables aux petits paiements par carte… mais 49,2 % ajoutent une condition : que les frais bancaires associés soient moins élevés.

« Les coûts générés par les paiements par carte bancaire et les virements sont prohibitifs pour les TPE », regrette M. Sanchez. D’autant que s’y ajoutent les frais de location des terminaux utilisés pour le paiement par CB. « Toutefois, le chèque a aussi un coût de gestion et de traitement, sans parler des impayés », reconnaît Bernard Cohen Hadad.

Comment faire changer les usages des entreprises ? Outre la réduction des frais de commission, M. Cohen Hadad, appelle à un plus grand dialogue des acteurs concernés. « Les banques, les institutions et les TPE-PME doivent travailler ensemble pour que les coûts de gestion de ces moyens de paiement soient compétitifs, estime-t-il. Et ce, afin que les petites entreprises puissent choisir ceux qui sont adaptés à leurs besoins changeants. »

Jonathan Grelier