C’est une note sévère à l’encontre des banques françaises et de leur action en matière de lutte contre le réchauffement climatique, que publie, jeudi 3 novembre, l’ONG Les Amis de la Terre France, en partenariat avec l’association Fair Finance France, BankTrack et la fondation polonaise Development Yes – Open-Pit Mines No (Oui au développement, non aux mines à ciel ouvert). Une note dont l’intitulé vaut conclusion : « Climat : malgré leurs promesses, les banques vont toujours au charbon. »

Dans ce rapport de douze pages, ce collectif d’ONG fait le point sur les engagements pris par ces grandes banques en décembre 2015, dans le cadre de l’Accord de Paris signé lors de la COP 21 (Conférence sur le climat, qui a réuni 195 pays, à Paris, pour limiter le réchauffement), et leur mise en œuvre.

Leur constat est sans appel : en dépit de ces engagements, « les banques françaises continuent toutes de financer, directement [à travers le financement de projets de centrales à charbon] ou indirectement [via le financement d’entreprises engagées dans le charbon], la construction de nouvelles mines et centrales à charbon ».

« La plus noire des énergies fossiles »

Alors qu’entre en vigueur l’accord de Paris, vendredi 4 novembre, il s’agit, dès lors, pour ces ONG, d’accroître la pression sur les états-majors des banques, afin que celles-ci accélèrent leur désengagement de « la plus noire des énergies fossiles » – le charbon a compté pour 46 % des émissions de CO2 issues de la combustion d’énergies fossiles, en 2013.

« On attend des banques qu’elles se réveillent et prennent la mesure de l’urgence climatique », Lucie Pinson des Amis de la Terre

Selon Les Amis de la Terre, les efforts faits par ces établissements financiers, s’ils sont bien réels, ne sont pas suffisants. Si les banques ont pris l’engagement pour le futur de ne plus financer de nouvelles mines et centrales à charbon – une promesse saluée par les ONG –, plusieurs grands projets de centrales déjà enclenchés à ce jour ne sont pas arrêtés. Ils continuent de bénéficier de soutiens bancaires. Surtout, les banques persistent à financer des entreprises liées au secteur carboné et aux énergies fossiles.

« On attend des banques qu’elles se réveillent et prennent la mesure de l’urgence climatique afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 ou 2°. On a cinq à dix ans pour agir et ça commence maintenant, déclare Lucie Pinson des Amis de la Terre. Il y a un gouffre entre ce que les banques annoncent et ce qu’elles font réellement. »

Dans ce rapport à la tonalité globalement négative, les ONG décernent toutefois quelques bons points. S’agissant des financements directs, Natixis obtient ainsi une bonne note, étant la « seule banque française à ne pas financer de nouveaux projets de centrales et mines de charbon ». Le Crédit agricole et la Société générale restent, en revanche, « impliqués dans plusieurs nouveaux projets de centrales à charbon, malgré leur engagement récent d’y mettre un terme », pointent les auteurs du rapport.

« Couper les financements aux entreprises » impliquées

S’agissant des financements d’entreprises – un deuxième pilier important, puisque ces entreprises représentent en fait la majorité des soutiens financiers au charbon – « aucune banque n’a aujourd’hui de politique satisfaisante », estiment les ONG. « Les banques françaises ne répondent pas à la première urgence, argumentent-elles, couper les financements aux entreprises qui continuent de développer de nouveaux projets de mines et de centrales à charbon, les plus incompatibles avec l’Accord de Paris. »

A ce titre, BNP Paribas est tout particulièrement pointé du doigt. Car le groupe s’était engagé, en 2015, à ne plus soutenir les entreprises refusant de se diversifier en réduisant leurs activités dans le charbon. Or, « la banque n’a toujours pas exclu de ses soutiens » la société PGE, un poids lourd du secteur en Pologne.

Cette entreprise concentre pourtant 83,5 % de ses nouveaux investissements sur le charbon contre 1 % dans les énergies renouvelables, relève la note. Elle développe même ses activités dans ce secteur, avec deux nouvelles mines et deux nouvelles centrales en construction.

« Le charbon n’est que la pointe de l’iceberg »

Interrogée sur l’analyse des ONG, Laurence Pessez, déléguée à la responsabilité sociale et environnementale (RSE) de BNP Paribas, explique qu’une nouvelle « politique globale en matière de transition énergétique » est à l’œuvre au sein du groupe, depuis un an, qui va se mettre en œuvre progressivement. Les engagements seront appliqués, affirme-t-elle. Et de souligner :

« Il y a exactement un an, nous nous sommes engagés à multiplier par un peu plus de deux nos financements dans le domaine des énergies renouvelables, en passant de 6,9 milliards d’euros en 2014 à 15 milliards en 2020, et nous avons également renforcé notre dispositif de gestion du risque carbone. Nous ne faisons plus de financement de centrales électriques à base de charbon dans les pays développés et, dans les autres pays, nous étudions les projets en fonction de critères très rigoureux… Nous n’avons pas financé un projet de centrale à charbon depuis la COP 21 ».

Quant au financement d’entreprises liées au charbon, BNP Paribas déclare « réduire progressivement [son] exposition au secteur du charbon », en « cherchant avant tout à accompagner [ses] clients dans leur transition énergétique à travers des produits et services financiers adaptés ».

Désormais, affirme la responsable RSE, seules les entreprises de production d’électricité dotées d’une stratégie de diversification visant à réduire la part de charbon dans leur mix électrique seront financées…

« Les banques françaises doivent accélérer l’adoption de mesures plus ambitieuses de réduction de leurs soutiens au charbon et surtout les appliquer immédiatement après leur adoption, concluent cependant les auteurs du rapport. Le charbon n’est que la pointe de l’iceberg du problème et c’est en réalité à tous leurs financements aux énergies fossiles que les banques doivent s’atteler au plus vite pour respecter l’objectif des 2° C et encore plus, 1,5° C. »