Jesus Tomillero rencontré des représentants du parlement européen pour leur demander d’adopter des mesures contre l’homophobie dans le sport. | Capture d'écran Facebook

« C’est normal que les joueurs ne sortent pas du placard. Regarde ce qui t’arrive, imagine ce qui se passerait pour nous… » Cette phrase, Andrés Iniesta, le capitaine du FC Barcelone, l’aurait dite au jeune arbitre de 21 ans Jesus Tomillero, victime de harcèlement pour son orientation sexuelle et invité par le club catalan à assister à un match au Camp Nou, le 29 octobre. C’est en tout cas ce qu’affirme le jeune homme.

Il ne fait pas bon être gay dans le monde du football en Espagne, comme dans d’autres sports. Jesus Tomillero a pu en subir les conséquences : insulté, chahuté et menacé depuis qu’il a avoué publiquement son homosexualité, il y a un an et demi, il a décidé en mai dernier d’abandonner sa passion, arbitrer les matchs des équipes juniors dans sa ville de La Linea de la Concepción, dans le sud de l’Andalousie, pour ne pas avoir à supporter les avalanches d’insultes de la part de quelques parents de joueurs, et la passivité, si ce n’est les rires complices, du reste des gradins.

Après avoir reçu le soutien sur les réseaux sociaux de milliers d’anonymes et des principaux représentants politiques du pays, mais d’aucun footballeur professionnel à l’exception du gardien de but Iker Casillas, il a voulu revenir sur les terrains, en septembre. Mais les insultes ont repris de plus belle. Jesus Tomillero y a répondu par de nouvelles plaintes à la Fédération andalouse de football, qui se soldent, au mieux, par des amendes de 30 euros.

Quant au collège professionnel des arbitres, son soutien reste superficiel. Finalement, il a dû être escorté durant plusieurs jours par des policiers pour éviter une agression, suite à des menaces de mort postées sur les réseaux sociaux – « J’espère que tu mourras du sida, pédé » ou encore « Je te conseille de prendre ta retraite ou tu mourras », accompagné de photographies d’un homme mort par balles dans la tête.

Briser un tabou dans le sport

Jesus Tomillero est le premier arbitre espagnol à avoir reconnu publiquement son homosexualité en Espagne. Et plutôt que de se soumettre aux pressions, incessantes, et aux insultes, constantes, il a décidé d’inciter les sportifs à briser un tabou. Après avoir rencontré des représentants du parlement européen pour leur demander d’adopter des mesures contre l’homophobie dans le sport, il a créé une association, Roja Directa Andalousie LGTB.

A part le patineur olympique Javier Raya ou le joueur de water-polo Victor Gutierrez, on ne recense guère de sportifs de haut niveau espagnols à être sorti du « placard », bien que le pays soit l’un des premiers d’Europe à avoir approuvé le mariage entre personnes du même sexe, en 2006. Aucun joueur de football professionnel n’a franchi le pas.

Des journalistes qui ont cherché à traiter le sujet évoquent la pression des clubs. Les associations de gays et lesbiennes évoquent la crainte de perdre des sponsors. Pourtant, pour eux, il est tout simplement impossible, statistiquement, qu’aucun des centaines de joueurs de football professionnels espagnols ne soit gay.

Quoi qu’il en soit, les paroles d’Andrés Iniesta invitent à réfléchir sur la réalité de l’homosexualité cachée dans le football. Pour la psychologue sportive Patricia Ramirez, cette situation n’est pas surprenante : « Le milieu du football est entouré de beaucoup d’agressivité, de racisme, d’homophobie, explique-t-elle au Monde. Pour les joueurs, il est plus confortable de se taire, et de vivre leur sexualité cachée durant le temps, relativement court, de leur carrière, plutôt que de s’exposer à un niveau de tension et de souffrance élevé, qui pourrait, de plus, avoir des conséquences sur leur efficacité sportive. »