Le rappeur Mac Miller, à Paris début octobre, pour la promotion de son quatrième album. | MELCHIOR TERSEN

Avant d’être candidat à l’élection présidentielle américaine, Donald Trump était déjà un personnage médiatique, connu pour ses émissions de télé-réalité, ses différentes épouses, sa fortune… En août 2011, son mode de vie ostentatoire et vulgaire inspirait un jeune rappeur de Pittsburgh, Mac Miller, qui connaissait un de ses premiers succès avec un titre, Donald Trump, où il glorifiait la réussite financière du magnat de l’immobilier et son succès auprès des femmes. En un mois, le morceau comptabilisait 20 millions de vues sur YouTube. Et le single s’est vendu à un million d’exemplaires.

Récemment, alors que le petit prodige du rap américain venait défendre à Paris son quatrième album en cinq ans, The Divine Feminine, le ton était tout autre au sujet du milliardaire, qui l’avait menacé d’un procès pour avoir utilisé son nom. « J’ai participé à des manifestations anti-Trump, raconte le jeune homme de 24 ans. Quand j’ai enregistré ce titre, c’était un symbole, il représentait le monde de l’argent. Et comme mon obsession de l’époque était d’en gagner beaucoup, cela faisait sens. Aujourd’hui, ce n’est plus pertinent. Je ne soutiens en aucune manière sa candidature à la présidentielle. Il nous éloigne de tout ce qui pourrait unir, fédérer le peuple. Il passe son temps à monter les gens les uns contre les autres, ce qui est à l’opposé de mon éducation. »

Pour l’amour des femmes

Tatoué depuis le cou jusqu’au bout des doigts, Malcolm James McCormick est l’enfant d’un couple multiconfessionnel, d’un père chrétien d’origine écossaise, et d’une mère juive. Cette dernière l’envoie à l’école dans une institution catholique : « Juste parce que je voulais jouer au foot et que cette école avait une bonne équipe. J’ai fait ma bar-mitsva, je prenais des cours d’hébreu, et en même temps, j’allais à l’église toutes les semaines. »

Il a suivi les conseils familiaux d’indépendance, et s’est affranchi de toute étiquette. Celui qui aime se décrire comme un « fils à maman », passe, à l’opposé de ce Trump qu’il admirait un temps, pour un ardent défenseur du féminisme dans son dernier opus, même s’il tient toujours le discours habituel des rappeurs sur les « bitches ». Son équilibre, il explique l’avoir trouvé grâce à l’amour des femmes.

Avec sa nouvelle petite amie, la chanteuse aux quatre octaves et teen-idol, Ariana Grande, il fait le bonheur des pages people. Elle participe à un titre de son disque, My Favorite Part, où ils jouent un joli numéro façon la Belle et la Bête. Lui avec sa voix rauque, et elle, petite poupée fragile au timbre cristallin : « Je commence la chanson, et sa voix n’en apparaît que plus angélique », commente-t-il. Devant l’insistance des questions sur son couple, il répond timidement, loin de toute vantardise : « Oui, Ariana est un ange. Nous avons commencé notre carrière ensemble et aujourd’hui on est amoureux, mais je n’en dirai pas plus. » Musicien, compositeur sous le nom de Larry Fisherman, il avait coécrit The Way, une des chansons qui a révélé la jeune femme en 2013.

La chanson « My Favorite Part » en live

Mac Miller - My Favorite Part (feat. Ariana Grande) (Live)
Durée : 04:44

À cette époque, le MC a une vie mouvementée, en tournée neuf mois sur douze. Au magazine Complex, il avouait alors une dépendance à un mélange médicamenteux de codéine et de prométhazine que les rappeurs appellent « lean » ou « purple drank ». Son déménagement de Pittsburgh à Los Angeles, sa bande de copains sous le bras, a été le sujet d’une émission de télé-réalité. Mais Mac Miller and The Most Dope Family ne dure que deux saisons : « J’y ai mis un terme, je ne veux pas être connu que pour ça. Et puis, j’aime mon intimité. Aujourd’hui, j’ai trouvé un meilleur remède au stress que la drogue : l’amour. Auprès des femmes, je me sens en sécurité, c’est vers elles que je me tourne quand je cherche du réconfort. »

À l’image des précurseurs Tupac ou Ghostface Killah (membre du Wu-Tang Clan), le jeune homme est à rebours de beaucoup de ses confrères qui dressent un portrait peu glorieux des femmes, les qualifiant de « baby mama » hystériques, coups d’un soir devenues mères de leurs enfants et adeptes du chantage affectif, ou de « golddiggeuses » obsédées par l’argent : « Je ne connais pas l’histoire des relations des autres rappeurs avec les femmes, mais, avec ma grand-mère, ma mère, mes petites amies, je peux être vulnérable, juste moi-même. »

Mac Miller au naturel. | MELCHIOR TERSEN

Hormis ce refus du machisme, Mac Miller n’a pas non plus le profil habituel de l’artiste rap. Il n’est ni noir ni hispanique, n’a pas grandi dans un quartier miné par les gangs et la drogue, n’est pas issu d’une famille monoparentale. Il a grandi dans un quartier de classe moyenne de Pittsburgh, dans un milieu artistique : mère photographe, père architecte. Ce dernier l’encourage à faire du rap, et le filme à 6 ans, interprétant un des premiers succès populaires du genre, Rapper’s Delight, de Sugarhill Gang. Sa mère l’inscrit à des leçons de piano et de guitare, qu’il regrette aujourd’hui d’avoir séchées pour rejoindre les battles de rap improvisées dans différents quartiers et lycées de Pittsburgh. Là, il fait la connaissance de Wiz Khalifa, devenu une autre sensation du rap américain.

« Ce n’était pas d’où tu venais qui importait, mais si tu étais le meilleur. » Mac Miller

Déjà, il se fiche des étiquettes : « Pittsburgh est une petite ville, fait-il remarquer. On se retrouvait tous dans les mêmes endroits, il y avait des compétitions de freestyle. Ce n’était pas d’où tu venais qui importait, mais si tu étais le meilleur. Quand j’étais jeune, j’avais tellement de passions que je ne me préoccupais pas de toutes ces histoires d’origine sociale. Ça m’est tombé dessus plus tard, mais ça ne m’a jamais perturbé de savoir si je méritais ou non d’être là. »

Mac Miller n’a plus grand-chose à prouver. En quelques années, il est devenu l’une des personnalités phares de la scène rap américaine. Et cela, en allant à contre-courant de ses pairs, et en misant tout sur le travail, les compétences. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il ira voter Hillary Clinton le 8 novembre. « C’est vrai que je trouverais ça génial qu’on ait notre première femme présidente, après avoir eu notre premier président noir ! Mais c’est surtout parce qu’elle est la personne la plus qualifiée dans l’élection pour être président des États-Unis. Voter pour Trump, c’est faire un pas en arrière. »

« The Divine Feminine », de Mac Miller, Warner Bros.