Mardi, les Etats-Unis d’Amérique éliront peut-être la première femme présidente de leur histoire. Hillary Clinton semble tenir le bon bout malgré le scandale des courriels classifiés et les multiples tentatives de son adversaire, le candidat républicain Donald Trump, pour la déstabiliser. Si Hillary Clinton devenait la prochaine locataire de la Maison Blanche, que doivent attendre les Africains d’une nouvelle présidence démocrate ?

La politique africaine de Barack Obama, le premier président noir américain, s’est construite avec des programmes innovants. En 2014, il a organisé le sommet Etats-Unis-Afrique dans la capitale américaine, premier événement du genre. Barack Obama aura marqué l’Afrique avec l’initiative Young African Leaders (YALI), avec l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) promouvant l’énergie et le commerce, ou encore Power Africa, consistant à lever des fonds pour l’électrification de tout le continent d’ici à 2030.

Relations douteuses

De son côté, Mme Clinton a eu, ces vingt dernières années, des relations moins reluisantes avec le continent. Des relations douteuses avec des hommes d’affaires établis qui ont financé les campagnes présidentielles de son mari Bill ou rempli les coffres de la Fondation Clinton, à son indifférence face aux crises africaines lorsqu’elle était à la tête de la diplomatie américaine (2009-2013), il y a de quoi s’inquiéter.

En 2011, la République démocratique du Congo (RDC) a organisé des élections présidentielles contestées, que Mme Clinton a qualifiées d’« affaire interne ». Et pourtant, l’année précédente, son département d’Etat avait pris parti pour la compagnie minière de Lukas Lundin dans son litige avec la RDC. M. Lundin n’était autre qu’un donateur de la Fondation Clinton. Selon les documents officiels de la Fondation, M. Lundin avait promis une contribution de 100 millions de dollars (90,5 millions d’euros) à la Fondation Clinton en 2007 et a, par la suite, offert au moins 500 000 dollars aux Clinton.

En Afrique de l’Est, il y a l’affaire Gilbert Chagoury, un homme d’affaires libano-nigérian devenu proche des Clinton après avoir contribué à la réélection de Bill Clinton en 1996 à hauteur de 500 000 dollars. Cette transaction aurait été effectuée à la demande du dictateur Sani Abacha (1993-1998), qui a pillé les caisses du Nigeria à hauteur de plusieurs milliards de dollars et dont Gilbert Chagoury était un proche. La politique américaine envers le régime d’Abacha s’était à l’époque assouplie de manière considérable, probablement en raison de sa générosité envers les Clinton. En 2009, alors que Sani Abacha était mort depuis dix ans, Gilbert Chagoury a contribué pour un million de dollars à la Fondation. En 2013, Bill Clinton est allé couper à Lagos le ruban d’un projet immobilier de Gilbert Chagoury et a loué son « génie ». Mais, avant cela, en 2009, les courriels classifiés d’Hillary Clinton ont montré que ses assistants au département d’Etat avaient arrangé pour Gilbert Chagoury un rendez-vous avec un ambassadeur américain au Liban.

Mais on se souvient surtout que Mohammed Al-Amoudi, riche homme d’affaires saoudien proche du régime autoritaire de Meles Zenawi, en Ethiopie, a offert 20 millions de dollars à la Fondation Clinton entre 2008 et 2010. Cette donation aurait encouragé Mme Clinton à fermer les yeux sur l’absence de liberté de la presse et les violations des droits humains à Addis-Abeba.

Manières dictatoriales

Paradoxalement, Hillary Clinton est aussi célèbre pour avoir déclaré que les droits des femmes sont partie intégrante des droits humains. On espère donc que, si elle accède au 1600 Pennsylvania Avenue, elle fera avancer des programmes de promotion des droits de la femme à travers le monde, en Afrique surtout.

Ce qui est certain, c’est que plus de 40 % des revenus de la Fondation Clinton proviennent d’officiels, d’hommes d’affaires et de lobbyistes étrangers, et notamment africains, ce dont pourrait souffrir le continent. S’il suffit d’un versement de quelques millions de dollars dans les coffres de la Fondation Clinton pour se refaire une beauté, certains régimes d’Afrique pourraient se voir félicités malgré leurs manières dictatoriales. L’Afrique n’a pas été mentionnée lors des débats qui ont opposé Hillary Clinton et Donald Trump durant la campagne électorale, mais le continent revêt une importance indéniable pour les Etats-Unis. Reste à savoir, si Hillary Clinton était élue présidente mardi soir, si cette collaboration se fera avec les pauvres ou avec les riches.

Bénédicte de Courcel est le nom de plume d’une diplomate africaine installée aux Etats-Unis.