Lors d’une manifestation contre la pollution de l’air, à New Delhi, le 6 novembre. | SAJJAD HUSSAIN/AFP

Sauve qui peut à New Delhi. Alors que la capitale de l’Inde étouffe dans un brouillard de pollution depuis huit jours, le gouvernement régional a fini par prendre quelques dispositions d’urgence, dimanche 6 novembre, pendant que des centaines de familles manifestaient en centre-ville, un masque sur le visage. Le ministre en chef, Arvind Kejriwal, a reconnu que la ville était devenue une véritable « chambre à gaz » et il a convoqué une réunion de crise, à l’issue de laquelle une série de mesures temporaires a été annoncée.

Décision la plus spectaculaire, la centrale électrique au charbon de Badarpur, située dans les faubourgs sud-est de l’agglomération, a été sommée de stopper sa production pour une dizaine de jours. Mise en service dans les années 1970, l’usine est réputée pour être l’une des principales sources polluantes de New Delhi. Il est prévu depuis bientôt un an qu’elle ferme définitivement, le tribunal « vert » national (une juridiction créée en 2010 pour traiter les affaires liées à l’environnement) ayant émis une directive en ce sens, en août 2015.

Arvind Kejriwal a par ailleurs demandé à toutes les entreprises de bâtiment et de travaux publics d’interrompre pour cinq jours les chantiers de construction et de démolition. De l’eau va être aspergée sur certaines chaussées pour abattre les nuages de poussière, tandis que par endroits, des camions aspirateurs viendront nettoyer les rues, comme le réclamait depuis longtemps la Cour suprême, en vain.

Manifestation contre la pollution le 6 novembre à New Delhi. | SAJJAD HUSSAIN / AFP

Dispositifs jugés anecdotiques

Le ministre en chef a également interdit jusqu’à la mi-novembre l’usage des générateurs électriques au diesel, à l’exception de ceux utilisés par les hôpitaux et les relais de téléphone mobile pour palier les coupures de courant, fréquentes dans la capitale. Des mesures « strictes » seront prises, enfin, contre ceux qui s’aventurent à brûler des ordures ménagères et des feuilles mortes en dépit de l’interdiction qui prévaut déjà, et contre ceux qui allument des feux dans les rues pour se réchauffer.

Le gouvernement régional s’est en outre adressé aux habitants, les invitant à rester enfermés chez eux. Les écoles, qui ont été fermées vendredi 4 novembre, le resteront pour encore trois jours. Pour Arvind Kejriwal, il s’agit de montrer à la population que les élus sont au travail. Avant le week-end de Diwali, la fête des lumières qui a été célébrée au cours des trois derniers jours du mois d’octobre, son gouvernement avait annoncé que des purificateurs d’air et des brumisateurs allaient être testés aux grands carrefours de New Delhi. Des dispositifs jugés anecdotiques eu égard à la situation.

A l’aube du 1er novembre, la concentration de l’atmosphère en particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 microns (PM 2,5) avait dépassé les 1 200 microgrammes par mètre cube d’air, soit cent vingt fois plus que le plafond maximal préconisé par l’Organisation mondiale de la santé, et vingt fois plus que la limite fixée par les autorités indiennes. Les pétards et les feux d’artifice de Diwali avaient alors été montrés du doigt.

Pollution à New Delhi le 6 novembre. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Or, dans les jours qui ont suivi, le niveau de PM 2,5 en suspension dans l’air n’est pas redescendu en deçà des 900 microgrammes et il a même avoisiné les 1 000 microgrammes samedi 5 novembre, tandis que la visibilité était réduite à moins de 500 mètres.

A moyen terme, M. Kejriwal sait qu’il ne pourra pas échapper à des décisions structurelles. Il laisse entendre que la circulation alternée pourrait être à nouveau imposée, bien que les deux expérimentations de deux semaines menées cette année, en janvier et en avril, se soient révélées très impopulaires, pour une efficacité contestable. Sa formation politique, le Parti de l’homme ordinaire (AAP), ne pouvait manifestement pas continuer de se défausser sur le gouvernement fédéral de Narendra Modi.

Pour autant, Arvind Kejriwal ne s’est pas privé de demander au ministre fédéral de l’environnement, Anil Dave, d’intervenir. Il estime que la pollution atmosphérique est due en grande partie aux feux que les agriculteurs des Etats encerclant New Delhi – l’Haryana, l’Uttar Pradesh et le Rajasthan – allument traditionnellement en cette saison pour se débarrasser des chaumes des dernières récoltes, la paille de riz notamment, avant d’ensemencer les champs de blé.

Une réunion des ministres de l’environnement des régions concernées devait se tenir sur le sujet lundi 7 novembre. Il pourrait aussi y être question de provoquer des pluies artificielles, afin de réduire un taux de pollution jugé « le pire de ces dix-sept dernières années » par le Centre pour les sciences et l’environnement de New Delhi. – (Intérim.)