Lundi 7 novembre, un rassemblement place de la République, à Paris, invitant les femmes à cesser le travail afin de militer pour l’égalité salariale entre les sexes. | THOMAS SAMSON / AFP

Editorial du « Monde ». L’initiative est venue d’Islande, où, à plusieurs reprises depuis 1975, les femmes quittent le travail le 24 octobre pour protester contre l’inégalité des salaires entre les sexes. Pourquoi le 24 octobre ? Parce que, selon le calcul des féministes islandaises, c’est la date symbolique de l’année où, compte tenu de cette inégalité, les hommes ont obtenu ce que les femmes gagnent en un an.

En France, l’association féministe Les Glorieuses a fixé cette date au 7 novembre, à 16 h 34, et donc appelé les femmes à cesser le travail et à se réunir à ce moment précis, en signe de protestation. Les experts peuvent chipoter sur l’exactitude de ce calcul. Le principe, lui, reste tristement immuable, ce qui explique l’écho rencontré par cette initiative sur les réseaux sociaux.

Selon les chiffres d’Eurostat, en 2014, dernière année pour laquelle ces données sont disponibles, l’écart salarial entre les hommes et les femmes en France s’élevait encore à 15,5 %. A la rédaction du Monde, cet écart était, en 2015, de 4,8 % pour les salaires de base et de 8,5 % après intégration des primes d’ancienneté et de fonction hiérarchique.

On peut, bien sûr, arguer d’une tendance à l’amélioration par rapport au siècle dernier. On peut faire valoir qu’en Europe, les Françaises ne sont pas les plus mal loties : chez leurs voisines allemandes, cet écart était, toujours en 2014, de 22,3 % et au Royaume-Uni de 20,9 %. On peut souligner que d’autres catégories de la société souffrent aussi de discriminations.

Il reste que, sur le plan des principes, une telle inégalité entre les deux moitiés de la population est tout simplement inadmissible, a fortiori dans des pays démocratiques et des économies développées. Et en particulier en France, où la participation des femmes au monde du travail est l’une des plus importantes en Europe.

Détérioration de la situation

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le combat pour l’égalité hommes-femmes ne fait pas partie des causes acquises. Selon l’étude menée chaque année par le Forum économique mondial, publiée en octobre, les progrès dans ce domaine sont même en recul : en prenant en compte l’évolution dans quatre secteurs – la santé, l’éducation, l’égalité économique et la politique – les chercheurs du Forum ont calculé qu’il faudrait aux femmes 170 ans pour atteindre une égalité réelle avec les hommes, c’est-à-dire en 2186. A titre de comparaison, l’an dernier, la même étude prévoyait que cette égalité pourrait être atteinte dans 118 ans.

La détérioration de la situation s’explique par l’inégalité salariale, les occasions réduites pour les femmes d’accéder aux postes de responsabilité et par la durée réelle de la journée de travail. L’étude du Forum économique mondial prend en compte, pour calculer la journée de travail, le « travail non rémunéré », qui consiste essentiellement en tâches domestiques : les femmes travaillent ainsi en moyenne cinquante minutes de plus que les hommes par jour.

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Les disparités entre pays sont évidemment considérables : en Inde, les femmes travaillent près de deux heures de plus que les hommes chaque jour, tandis que les Suédoises arrivent à travailler un peu moins que leurs collègues masculins. La journée de travail des Françaises est, elle, plus longue d’une demi-heure.

Dans un tel contexte, on ne peut que remercier Les Glorieuses d’avoir, le 7 novembre à 16 h 34, attiré l’attention sur l’une des injustices les mieux tolérées par la moitié de l’humanité.

Les origines socioculturelles des inégalités hommes-femmes
Durée : 03:09
Images : Universcience.