L’organisation Etat islamique met en scène sa bataille de Mossoul
L’organisation Etat islamique met en scène sa bataille de Mossoul
Par Madjid Zerrouky
En contrepoint de la couverture occidentale, l’EI a fait des forces antiterroristes irakiennes et de leurs blindés l’acteur principal de la guerre que les djihadistes donnent à voir sur leurs canaux de propagande.
Des soldats de la Division d’or, à Mossoul, le 6 novembre. | LAURENT VAN DER STOCKT POUR LE MONDE
« Martyrs en or contre Division d’or. » Cette formule d’un djihadiste pourrait résumer la guerre médiatique que mène l’organisation Etat islamique (EI) dans son compte rendu de la bataille de Mossoul. L’EI a fait des très médiatisées forces antiterroristes irakiennes et de leurs blindés à la couleur noire caractéristique l’acteur principal de la guerre que l’organisation djihadiste donne à voir sur ses canaux de propagande, en contrepoint de la couverture médiatique occidentale.
Au début de la progression des forces gouvernementales dans les faubourgs de Mossoul, la propagande de l’EI s’était employée sans surprise à contrebalancer leurs premiers succès. Selon elle, les assaillants étaient rejetés et les villages repris. A Mossoul, la vie suivait son cours normal, les habitants étant présentés comme « indifférents » à la guerre. L’entrée de forces irakiennes dans des quartiers de la ville et la volonté affichée par Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’EI, de défendre Mossoul jusqu’au bout a changé la donne.
L’organe de propagande Amaq change de ton
Place aux scènes de bataille urbaine et à la comptabilité des voitures piégées que les djihadistes jettent sur leurs adversaires à un rythme jamais vu : plus d’une centaine en trois semaines dans la région. « L’armée américaine a confirmé de son côté la plupart de ses attaques », estime d’ailleurs l’analyste américain Thomas Joscelyn, dont le blog, « The Long War Journal », présente un suivi régulier des combats en Irak.
« Les comptes rendus quotidiens d’Amaq [l’organe de propagande de l’EI] de ces derniers soirs sont nettement plus agressifs que d’habitude », constate de son côté Charlie Winter, du Centre de recherche sur la radicalité, le terrorisme et la violence politique à Londres. L’agence Amaq s’efforçait jusqu’ici d’adopter un ton neutre en employant les codes des grands médias. Une posture qu’elle abandonne progressivement.
Vendredi 4 novembre, une colonne gouvernementale qui progressait dans le quartier de Karkuli est tombée dans une embuscade. A bord du convoi, une équipe de la chaîne américaine CNN s’est retrouvée isolée et encerclée. Les combattants de l’EI atteignent même les maisons voisines sur fond d’explosions de grenades et balles qui sifflent. Le lendemain, les journalistes américains ont découvert avec stupeur que les djihadistes, avides des carcasses fumantes de Humvee des forces antiterroristes à exposer dans leurs vidéos, avaient posté une caméra de l’autre côté de la rue. Et avaient filmé les mêmes scènes, vues d’en face.