C’est l’effervescence dans le petit monde de la location de bateaux entre particuliers. Trois ans après l’émergence de ce nouveau marché de l’économie collaborative, le secteur est entré en pleine consolidation. Parmi la quinzaine de start-up qui se sont lancées en France sur cette activité, seules quatre ont réellement émergé au niveau national : Click & Boat, Sailsharing, Samboat et Boaterfly.

Et Click & Boat est le premier à passer à l’offensive. La PME, créée en 2014, annonce ce mardi 8 novembre le rachat de Sailsharing, le pionnier du marché créé, lui, en janvier 2013. La société, qui compte une quinzaine de salariés, ne révèle pas la somme déboursée. « Il s’agit bien d’un achat et non d’un échange d’actions », précise Jérémy Bismuth, le cofondateur et directeur général de la start-up.

Outre la reprise des bases de données de propriétaires de bateaux et certains outils de son concurrent, Click & Boat accueille Romain Dalongeville, l’un des cofondateurs de Sailsharing. « Grâce à ce rachat, nous faisons un bond en avant. Nous augmentons significativement la taille de notre flotte de bateaux et nous asseyons notre position de leader, pas seulement en France, mais aussi en Europe », poursuit Jérémy Bismuth.

8 000 embarcations dans vingt-deux pays

Le site met désormais à disposition quelque 8 000 embarcations dans vingt-deux pays et 362 ports, de la France à la Croatie, en passant par l’Espagne, la Grèce ou l’Italie. En 2016, Click & Boat a quadruplé son activité, avec un volume d’affaires revendiqué de près de 11 millions d’euros (en incluant l’activité de Sailsharing). Sur cette somme, 9,8 millions d’euros ont été reversés aux propriétaires qui mettent leur embarcation en location sur le site Internet.

La société, qui a levé depuis son lancement quelque 700 000 euros auprès de business angels, prépare une nouvelle levée de fonds dans les prochains mois, mais n’entend pas se précipiter. « Nous autofinançons notre activité, assure Jérémy Bismuth. Nous prenons le temps avant de choisir nos partenaires et d’avancer. » En attendant, Click & Boat a lancé le recrutement de sept nouveaux collaborateurs.

Après ce rachat, ils ne sont plus que trois sites français majeurs sur ce marché estimé à quelques dizaines de millions d’euros. Derrière le nouveau leader, Boaterfly tente de résister, avec ses 2 000 bateaux mis à disposition. « On sent qu’il se passe quelque chose dans le nautisme avec l’émergence de nos sites. La demande reste encore aujourd’hui bien plus forte que l’offre de bateaux en location », relève Guillaume de Corbiac, le patron de Boaterfly.

Internationaliser ses services

Reste que le réel concurrent de Click & Boat est surtout Samboat. En 2016, la société a vu son volume d’affaires multiplier par quatre sur la saison estivale écoulée. « Nous disposons désormais de 6 000 à 7 000 embarcations de tout type sur notre plateforme », assure Laurent Calando, le cofondateur de Samboat.

« Pour nos activités françaises, nous sommes aujourd’hui rentables », poursuit l’entrepreneur, qui entend utiliser le million d’euros levé auprès de la MAIF, son assureur, pour investir dans son développement européen avec le recrutement à venir d’une dizaine de salariés afin d’internationaliser ses services.

Ces deux sociétés attendent les prochains mouvements des grands constructeurs de bateaux comme Brunswick, Beneteau ou Bavaria, qui s’intéressent au marché de la location estimé à 250 millions d’euros en France. « Les constructeurs écoulent leurs bateaux via des distributeurs, constate Jérémy Bismuth. Ils ne sont pas connectés directement avec les plaisanciers. Nous, en tant que plateformes, nous récoltons des avis précis des clients après chaque location sur l’ensemble des types de bateaux… Nous pouvons les intéresser. »

Des revenus bientôt imposés

Reste que pour les plateformes de l’économie collaborative, le sujet de l’automne est avant tout fiscal. Dans le cadre de la loi de finances 2017, le gouvernement a décidé d’imposer les revenus liés à la location de biens entre particuliers quand ils dépassent le seuil de 7 720 euros. « Ce seuil est arbitraire, vu le prix des bateaux », juge Guillaume de Corbiac. « Avec un bateau, un particulier ne gagne pas d’argent, car il paie en moyenne 10 % du coût de son embarcation pour sa maintenance et le conserver dans un port », complète Laurent Calando.

« En moyenne, un propriétaire met chez nous son bateau en location pendant neuf jours, pour un montant moyen de 350 euros par jour, assure Jérémy Bismuth. Nos propriétaires ne devraient donc pas être pénalisés par la nouvelle loi. Cependant, nous avons décidé d’accompagner ceux qui pourraient dépasser le seuil légal. Nous travaillons notamment avec un cabinet d’experts-comptables pour les aider à choisir le statut le plus adapté. Nous pouvons en aider certains à devenir de véritables professionnels, par exemple. »